Réélu pour un deuxième mandat en 2021 à la présidence du Conseil régional Grand Est, le Dr Jean Rottner, avait vu sa notoriété bondir au début de la crise du Covid-19, lorsque sa région et sa ville de Mulhouse avaient dû affronter la terrible première vague. L'ancien médecin urgentiste avait été en effet l'un des premiers élus locaux à commander des masques de protection au printemps 2020. Depuis, cet ardent défenseur d'une politique décentralisée appelle les autres régions à être plus audacieuses en matière de santé.
En effet, aujourd'hui, celles-ci disposent de plusieurs leviers en matière d'aménagement du territoire, de formation professionnelle des professionnels de santé, d'innovation et de recherche. « On doit avoir une vision profondément transversale, polyvalente qui rythme notre manière de travailler pour accompagner le monde de la santé dans sa transformation numérique, durable, industrielle et sanitaire », a expliqué le Dr Rottner, lors d'une conférence organisée mercredi matin par le cabinet Nile Consulting. Aux yeux de l'élu, la meilleure décentralisation est « un équilibre, un respect et un travail quotidiens entre l'État et les collectivités pour avancer ensemble. Ce n'est pas toujours vrai avec les ARS qui sont dans leur lourdeur ».
Cette régionalisation de la santé ne risque-t-elle pas de creuser encore davantage des inégalités entre les territoires ? Le président de région conteste « le dogme selon lequel il faut faire partout pareil au nom de l'égalité ». « L'égalité territoriale n'existe déjà plus, dit-il. Il y a de profondes inégalités en matière de santé. » Mais jusqu'où aller dans la différenciation ? Faudrait-il prévoir des objectifs régionaux de dépenses de l'Assurance-maladie (Ordam) ? « Oui, répond-il, à condition de différencier, à l'échelle d'une région, les situations sanitaires. »
Le pouvoir médical tout puissant
Dans cette transformation souhaitable du système de santé, le Dr Rottner appelle aussi l'État à « innover » pour rendre les professions de santé plus attractives. « Je ne peux pas augmenter les salaires mais je peux favoriser le cadre de vie et l'exercice de proximité », fait valoir l'ancien urgentiste. La région travaille, par exemple, avec les facultés de médecine pour trouver « des passerelles possibles d'une profession à l'autre ».
Car le cloisonnement des compétences est « dommageable » pour le système de santé, selon le Dr Rottner, qui dénonce à demi-mot un certain corporatisme du corps médical. « Comment faire pour qu'une sage-femme puisse réaliser des actes de gynécologie, par exemple, sans que cela éveille tout de suite l'Ordre, un tel syndicat, regrette-t-il. Tant qu'on considérera dans notre pays le pouvoir médical comme le pouvoir tout puisant, on n'avancera pas beaucoup. »
L'élu régional suggère aussi au gouvernement de repenser « de manière différente » l'organisation de soins. « On doit réenchanter les professions de santé, redonner des perspectives y compris dans les actes, dans les responsabilités, dans les capacités de faire. Transformons les choses », plaide-t-il, en appelant à « un débat dépassionné et responsable ». Faute de quoi, estime le président du conseil régional du Grand Est, « on risque d'avoir une colère citoyenne légitime » face à la pénurie médicale.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique