« La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce », stipule l’article 19 du code de déontologie médicale. Voilà qui, a priori, interdit toute velléité publicitaire à quiconque a prêté le serment d’Hippocrate. Mais ce précepte peut parfois susciter quelques frottements avec un autre, qui veut que l’information concernant les prises en charge, les formations, les pratiques ou les techniques des médecins soit librement accessible aux patients. Publiciser l’information sans faire de pub : voilà donc la ligne de crête sur laquelle doivent évoluer les médecins.
Cette ligne de crête a d’ailleurs récemment été redessinée par un décret de décembre 2020, qui a quelque peu écorné l’interdit absolu entourant la publicité. « Le principe général, c’est que le médecin est désormais libre de communiquer par tous les moyens, qu’il s’agisse d’un site internet ou autre, des informations qui permettent de favoriser le libre choix du patient », détaille la Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section « Éthique et déontologie » du Conseil national l’Ordre des médecins (Cnom). L’information loyale est admise, précise-t-elle, mais les témoignages de tiers, les photos de type « avant-après », par exemple, restent formellement interdits.
Rester dans les clous
Voilà qui « modifie le paysage », mais ne constitue « pas une révolution », admet volontiers l’ordinale. Car, au moins pour certaines spécialités, il y a bien longtemps que les médecins donnent de l’information sur leur pratique, notamment sur internet. Julien Vervel, fondateur de l’agence HealthCie, qui accompagne les médecins dans leur communication, est bien placé pour le savoir.
« Les chirurgiens, par exemple, ont été en avance sur ce sujet », note-t-il. Ce qui n’empêche pas le sujet de faire l’objet de craintes de la part des praticiens. « Quand les médecins viennent nous voir pour faire un site internet, par exemple, les premières questions tournent souvent autour de ce qu’ils ont le droit de faire ou pas, note cet ancien infirmier. Il y a une vraie volonté de rester dans les clous, de ne pas outrepasser les limites, d’être confraternel… »
Une préoccupation qui n’a rien d’une lubie, car, comme le souligne Julien Vervel, « la barrière entre information médicale, communication et publicité est très fine ». Même Anne-Marie Trarieux admet qu’il existe une « zone grise » où l’on ne peut trancher qu’au cas par cas du caractère licite ou illicite de certaines démarches.
Mais, zone grise ou pas, les médecins vont devoir s’habituer à la nouvelle donne de la communication dans leur secteur. « Ce sont des besoins qui vont se développer, et je pense qu’à l’avenir tous les professionnels de santé auront un site, qui pourra aller de la simple landing page au site référençant toutes les techniques utilisées », prévoit Julien Vervel. Celui-ci estime que même des spécialités comme la médecine générale, qui peuvent aujourd'hui sembler à l’abri de la concurrence tant la demande à laquelle ils font face est forte, vont probablement s’y mettre. « On voit déjà des généralistes qui ont envie de développer une identité visuelle autour de leur cabinet, par exemple », remarque-t-il. En espérant qu’on n’ira pas jusqu’aux excès que Jules Romains, il y a bientôt un siècle, voyait advenir dans son fameux Knock.
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne