Période de réserve préélectorale oblige, il n'y a pas eu de discours du ministre de la Santé, cette année, en ouverture du 15e Congrès de la médecine générale* (CMGF), organisé par le collège de la spécialité et qui se tient à Paris jusqu'à samedi. En revanche, les représentants des quatre grandes agences et autorités sanitaires ainsi que de l'Assurance-maladie ont fait le déplacement pour la session inaugurale, ce jeudi matin, dans un amphi bondé de plusieurs centaines de médecins et participants.
Pour ce premier congrès en présentiel depuis trois ans, le Dr Paul Frappé, président du collège de la médecine générale, a brossé les leçons de la crise Covid et souligné que « si la médecine générale ne fait pas de bruit, elle a fait son travail ». L'épidémie, explique le généraliste stéphanois, a « interrogé le rapport entre le collectif et l'individuel », illustré par le port du masque que les organisateurs du congrès ont invité les participants à garder, même si la loi ne les y oblige plus. « Je vous le recommande, a insisté la Dr Isabelle Cibois-Honnorat, présidente du conseil scientifique du congrès. Avec le taux d'incidence que nous connaissons cette semaine, je vois mal comment on pourrait s'en passer ». Message bien reçu ici par 99 % de l'assemblée...
Les enjeux de la certification périodique
L'épidémie de Covid n'a pas empêché, ces derniers mois, le collège de la médecine générale de plancher sur plusieurs chantiers dont celui de la certification périodique des médecins prévue pour 2023. « Notre mission consiste à en élaborer, d'ici là, le référentiel, a cadré le Dr Frappé. La recertification n'abordera plus seulement l'acquisition de connaissances et l'analyse des pratiques comme dans le DPC. Elle ajoute une dimension sur la relation aux patients et sur la santé des médecins. Ce dernier point est particulièrement novateur car notre santé est encore bien souvent du registre du tabou. » S'agissant du DPC, le président du collège a aussi appuyé – sous les applaudissements de la salle – les revendications des remplaçants à bénéficier de ce droit ainsi que celles des maîtres de stage.
Avec un sens de l'humour certain, le Dr Paul Frappé a fustigé le « MG splaining », cette forme de condescendance que subissent « depuis longtemps » les généralistes de la part de certains spécialistes. Puis il a dénoncé, avec le même succès d'estrade, le « primary care washing », en donnant des coups de griffe aux plateformes de téléconsultations et autres centres proposant « du sans rendez-vous frénétique » dans les grandes villes. C'est un « système de chacal où chacun se régale des difficultés de la démographie médicale en venant lui retirer les morceaux qui lui plaisent, a-t-il décrit, très en verve. Mais ceux-ci cachent mal leurs motivations purement commerciales sans aucun souci de la pertinence de leur offre ».
Skill mix
Autant d'exemples qui offrent un miroir inversé à la vision du collège de la médecine générale. Ce dernier appelle, à rebours parfois de certains syndicats médicaux, à une « évolution ou plutôt une combinaison des compétences » de chaque métier, ce que « les Anglais appellent le skill mix », a illustré le Dr Frappé.
Et de citer les protocoles de coopération qui sont aujourd'hui une cinquantaine à être autorisés au niveau national, l'accès direct aux paramédicaux dans certaines situations, les délégations de tâches notamment pour la vaccination ou encore l'émergence de la pratique avancée des infirmières. Un point de vue largement partagé par la Haute Autorité de santé (HAS). « Même si ses conditions d'exercice sont aujourd'hui difficiles, je vois l'avenir de la médecine générale radieux, a lancé sa présidente, la Pr Dominique Le Guludec. Un système pertinent consiste à utiliser les compétences là où leur plus-value est la plus importante. Mais les transferts ne doivent pas se faire sans vous. »
Bisbilles autour du dépistage
En revanche, l'échange a été un peu moins consensuel avec le Pr Norbert Ifrah, président de l'INca, interrogé sur le bénéfice du dépistage organisé du cancer du sein. « C'est une question qui vient toujours de la même mouvance opposée de façon acharnée au dépistage », a réagi celui-ci avant de défendre le dispositif tout en le reconnaissant perfectible. « C'est à se taper la tête contre le mur avec élan », a-t-il même conclu – alors que la plupart des critiques sur ce sujet viennent justement de la communauté de la médecine générale – suscitant quelques froncements de sourcils dans l'assistance. « Il y a des sujets sur lesquels on peut avoir des divergences, c'est même parfois le choc des cultures avec nos institutions, a synthétisé le président du collège de la médecine générale. On a des choses à se dire et une vraie discussion, ce n'est pas forcément quand tout le monde est d'accord. »
* La thématique du programme de cette 15eédition du Congrès de la médecine générale est le « jeu ».
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