« En finir avec les déserts médicaux : c'est le thème de notre 57e congrès… et qui revient de façon récurrente depuis cinq ou six ans ». C'est avec un brin d'ironie que le Dr Éric May, président de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), aborde ce dossier qui fera l'objet d'un plan annoncé le 13 octobre par Agnès Buzyn, ministre de la Santé.
Quelle sera la place des centres de santé et de la médecine salariée dans le plan anti-déserts du gouvernement ? Leurs missions seront-elles reconnues, valorisées ? Comment soutenir les initiatives locales ?
Alors que plusieurs avancées et marques de connaissance ont été obtenues avec Marisol Touraine (transposition aux centres de santé des majorations tarifaires obtenues par les libéraux, accord national, nouvelles rémunérations pour valoriser le travail en équipe, perspective de la généralisation du tiers payant…), les centres de santé se sentent à nouveau mis à l'écart des réformes en cours sur l'accès aux soins. « À part un court rendez-vous au ministère, il n'y a pas eu de relance ni de concertation sur ce sujet stratégique », déplore le Dr May.
Or, pour remédier dans certaines zones à la carence de l’offre libérale et attirer les jeunes médecins généralistes, les centres de santé ont des atouts à faire valoir. « Il est nécessaire de proposer un exercice coordonné et attractif, libéré de toute contrainte administrative pour se consacrer au temps médical », avance le Dr May.
Salariat, tiers payant, médecine sociale : la recette fait mouche localement. Depuis 2011, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires) a porté une centaine de projets et l'USMCS une quinzaine, à La Roche-sur-Yon (Vendée), à Fresnay-sur-Sarthe (Sarthe), à Port-la-Nouvelle (Aude)… Plus récemment, la création par le conseil général de Saône-et-Loire d'un centre de santé multisite cherchant à recruter une trentaine de généralistes a fait grand bruit, preuve de la dimension de certaines initiatives locales en matière de médecine salariée. « Le gouvernement doit balayer les modèles du passé, changer de paradigme et arrêter d'appliquer les vieillesses recettes qui ne se sont pas efficaces dans certaines situations », juge le Dr Éric May.
Le spectre d'une logique commerciale
Un autre signal a été jugé inquiétant. En avril, sous le précédent gouvernement, les centres de santé avaient obtenu in extremis le report d'un projet d'ordonnance très polémique encadrant strictement les conditions de création, de gestion, d'organisation et de fonctionnement des centres de santé (après le scandale des centres dentaires low-cost Dentexia).
Le nouveau projet d'ordonnance comporte des dispositions jugées cette fois « inacceptables ». Il autoriserait les cliniques privées « à but lucratif » à gérer des centres de santé et à détenir via la forme de SCIC (sociétés coopératives d'intérêt collectif) jusqu'à 50 % des droits de vote et 99,99 % des actions… « Au-delà des garde-fous promis par le ministère, nous avons là une atteinte grave et profonde aux valeurs mêmes des centres de santé qui assurent les missions de service public, pratiquent les tarifs opposables sans dépassement d'honoraires. Que veut le gouvernement ? », se demande le Dr May.
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