Offrir une prise en charge aux 17 % de patients sans médecin traitant et limiter les recours aux hospitalisations inopportunes : tel était le défi lancé en 2018 par des médecins et infirmiers libéraux dans la Manche. Originalité : ce travail collaboratif se déploie grâce à une plateforme de télémédecine, installée dans la maison médicale de Saint-Georges-de-Rouelley.
Mise en place grâce à l'appui de la mairie et l'Union régionale des médecins libéraux (URML) de Normandie, la salle de télémédecine – ouverte en 2019 – est équipée de tous les outils médicaux habituels (balance, thermomètre, saturomètre, stéthoscope…) ainsi que d’une caméra ORL et d’un ECG. Chaque jour, les infirmiers libéraux du territoire se relaient pour accueillir et accompagner le patient pendant la consultation effectuée à distance par les médecins de la région.
Cette pratique médicale nécessite une coopération étroite entre praticiens et infirmières, un partenariat pas forcément inné. Selon le Dr Grégory Szwarc, président de l'association Télémédecine Saint-Georges-de-Rouelley et porteur du projet de la plateforme, « ce fonctionnement en duo avait au départ un peu décontenancé le médecin. Il se retrouvait avec une personne entre lui et le patient, et il devait déléguer certains actes à distance. C'était déstabilisant ». A contrario, les infirmiers, davantage habitués à fonctionner en équipe, étaient plus à l'aise. « Et nous avions remarqué que les infirmières avaient des compétences sémiologiques que l'on ne soupçonnait pas, ajoute le médecin généraliste. Certaines savaient palper parfaitement un pouls à distance, placer exactement le stéthoscope sur des foyers cardiaques et pulmonaires. »
Pas des petites mains !
Pour guider ce travail collaboratif, des procédures opérationnelles interpro ont été rédigées. « Nous avons aussi proposé des simulations de cas pour faire en sorte que les professionnels de santé connaissent leurs compétences mutuelles et respectives afin de pouvoir faire des actes de téléconsultation », explique le Dr Szwarc.
Médecins et infirmiers se sont entendus sur les règles du jeu. En amont de la téléconsultation, l'infirmier libéral accueille le patient, l'installe, fait l'anamnèse, prend les constantes (pouls, tensions, température, poids), opère un pré-interrogatoire entré dans le logiciel (motifs, antécédents…), au besoin prend des photos de dermatologie. « On regarde aussi l'ordonnance et les différents documents comme les comptes rendus de scanner pour obtenir un interrogatoire complet », explique Chantal Mulot, infirmière libérale participant à la plateforme de télémédecine.
Pendant la téléconsultation, l'échange est permanent et l'implication des infirmières permet de renforcer la qualité et la personnalisation des soins. « Nous apportons des précisions aux patients, reformulons certaines questions des médecins, donnons des compléments d'information obtenus lors de notre interrogatoire avec le patient », précise l'infirmière. « Notre objectif n'est pas simplement d'être les petites mains des médecins. On veut utiliser nos compétences pour travailler en bonne intelligence au bénéfice du patient. »
L'addition de deux expertises
Au fil des consultations, une confiance mutuelle s'est installée. « Les médecins peuvent compter sur les infirmiers pour repérer et anticiper des choses mais aussi pour collaborer de façon juste dans la manipulation des dispositifs médicaux », explique le Dr Szwarc. « Quand on effectue les consultations avec les mêmes médecins, on connaît leurs attentes et leur façon de travailler. Les échanges sont plus fluides », abonde l’infirmière.
Pour le généraliste, cette coopération n'est d'ailleurs « ni une délégation de tâches, ni un transfert de compétences mais un échange d'expériences ». « C'est la somme de ces deux expertises qui permet d'affiner le diagnostic », dit-il. Pour les infirmiers, cette collaboration est aussi enrichissante. « Avec la téléconsultation, on apprend à écouter un cœur ou des poumons. Du coup, en visite à domicile chez un patient, rien ne nous interdit de le faire avec notre stéthoscope. On peut compléter notre observation, cela nous donne plus d'assurance dans l'analyse clinique », souligne Chantal Mulot.
En deux ans et demi de fonctionnement, ce travail en équipe a permis de prendre en charge 600 patients sur un territoire de 6 000 habitants.
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