Le Conseil national de l’Ordre des médecins a déploré mardi les propos « sexistes » tenus la semaine dernière par le sénateur républicain de l’Indre Jean-François Mayet, qui avait établi un lien entre la désertification médicale et la féminisation de la profession de médecin.
« Au risque de choquer, le libéral que je suis est convaincu qu’on ne résoudra pas la désertification médicale en comptant sur les seuls médecins libéraux », a expliqué Jean-François Mayet lors d’un débat à la Haute Assemblée sur la pénurie de médecins dans certains territoires. D’une part, parce que les jeunes médecins « refusent le libéralisme », lui préférant le salariat. D’autre part, à cause de « la féminisation, puisque 75 % des nouveaux diplômés sont des femmes », a estimé le sénateur. « Or nonobstant l’égalité, elles sont quand même là pour faire des enfants... », a-t-il lancé.
« Elles ne sont pas là pour faire des enfants ; elles font des enfants, c’est différent ! », lui a rétorqué la sénatrice UDI Chantal Jouanno. « En effet. Mais ce n’est pas à 50 ans qu’elles en feront, a alors poursuivi Jean-François Mayet. Ma fille a fait des enfants à 41 et à 42 ans, gérer deux enfants en bas âge en même temps qu’une carrière de médecin, ce n’est pas une sinécure ! »
Faiblesse du débat
Regrettant « la faiblesse du débat », l’Ordre des médecins a déploré des propos « discriminants » et « condamnables par leur caractère sexiste », qui démontrent selon lui une « méconnaissance forte (...) de la réalité dans les territoires ».
L' @ordre_medecins déplore les propos discriminants de JF Mayet démontrant une méconnaissance forte de la réalité de l’offre de soins
— Ordre des Médecins (@ordre_medecins) July 21, 2015
« La féminisation de la profession, loin d’être une difficulté, est un fait incontestable », a rappelé le CNOM, précisant que « 45 % des médecins sont des femmes », mais qu’elles représentent « 58 % des nouveaux médecins inscrits » à l’Ordre cette année. « Cette féminisation profite le plus largement au secteur libéral » puisque « 60 % des médecins généralistes libéraux de moins de 40 ans sont des femmes ». « Les difficultés à concilier vie professionnelle et vie privée sont des difficultés rencontrées par les hommes comme par les femmes, insiste l’Ordre. C’est une évolution de fond des nouvelles générations de médecins qui n’est absolument pas limitée à un genre particulier. »
Mayet enfonce le clou
Devant l’ampleur pris par la polémique, le sénateur Mayet a tenté de justifier ses propos, il y a deux jours, dans un entretien à Public Sénat : « À la fin de leurs études, les jeunes femmes médecins n’ont pas envie de partir à la campagne. Elles ont peur de l’isolement. Elles ont, en général, entamé une trajectoire de femmes mariées, prêtes à assumer deux, trois ou quatre maternités. Or, c’est difficile de s’arrêter, lorsqu’on est médecin à la campagne, le temps de faire un enfant. Les jeunes femmes médecins ont donc plutôt tendance à recherche un emploi dans des maisons de santé – dans lesquels se regroupent plusieurs praticiens, en ville. »
La secrétaire d’État en charge des droits des femmes a regretté ce dérapage : « Au Sénat, Jean-François Mayet est "quand même là" pour faire des lois », a tweeté Pascale Boistard.
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