À l'heure du déconfinement progressif, quelle place pour les praticiens libéraux, et notamment pour les médecins généralistes ? Interrogé en vidéo dans le cadre d'une émission de l'Université du change management en médecine (UC2M), le Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19, est revenu sur les enjeux de cette nouvelle étape clé dans la gestion de la crise sanitaire.
La France est-elle en ordre de marche pour gérer cette phase délicate ? On va être « en grande partie » prêt, nuance d'emblée le Pr Delfraissy qui rappelle que le système de soins hospitalier a tenu précisément grâce au confinement en permettant de limiter le nombre de patients admis en réanimation et en faisant baisser le nombre de contaminations par personne (avec un facteur R0 estimé aujourd'hui à 0,6 contre 3,4 au début de l'épidémie). Dans cette nouvelle bataille qui s'ouvre à partir du 11 mai, le Pr Delfraissy évoque entre « 2 000 et 4 000 nouvelles contaminations » par jour en France qu'il faudra gérer avec une très grande vigilance.
Le médecin généraliste aura ici un rôle « majeur, pivot » dans le repérage précoce des personnes infectées et le suivi des cas avérés. L'enjeu ? Dépister le plus tôt possible, isoler les patients contaminés, remonter les contacts et éviter la formation de chaînes de contamination.
La question de la capacité française à tester massivement devient évidemment centrale. « On a du retard sur les Allemands mais nous le rattrapons », avance le Pr Delfraissy. Dès aujourd'hui, la France serait en capacité de réaliser environ « 100 000 tests de dépistage RT-PCR par jour » sur l'ensemble du territoire. Pour le Pr Delfraissy, ce test devient même « l'examen essentiel » du généraliste. « Il faut le prescrire à la moindre suspicion et de façon large », cadre-t-il, rappelant au passage qu'ils sont remboursés.
Le généraliste prescripteur sera informé du résultat dans les 12 heures. « Cet examen sera le point de départ des équipes ou brigades sanitaires, médecins ou non médecins, pour localiser la personne dépistée positive », proposer des mesures d'isolement et rechercher ensuite les cas contact. Le médecin traitant est « le mieux placé » pour expliquer le diagnostic, analyser l'environnement familial et sensibiliser son patient aux options sur la table (y compris l'isolement en hôtel).
« Les patients Covid vont être dépistés très tôt, en ville, c'est pourquoi j'attends beaucoup des professionnels de soins primaires, c'est une très belle opportunité, résume le Pr Delfraissy. Mais attention sur le dépistage : on va commencer par 2 000 à 3 000 patients par jour, il y a 35 000 généralistes libéraux en France, donc la probabilité de voir un patient Covid ne sera pas forcément très considérable et variera en fonction des régions. Les médecins devront être en alerte car même s'ils en voient peu, on compte beaucoup sur eux pour ne pas passer à côté du cas positif, dans une région qui a une faible réplication virale, et empêcher le début d'un cluster », précise-t-il.
Tests sérologiques : une forte demande attendue
Quant aux tests sérologiques, le président se dit très confiant. « Dans les 15 jours qui viennent, nous aurons 4 ou 5 tests ELISA reconnus et labellisés qui pourront être utilisés », annonce-t-il. Il est un peu plus incertain sur les tests rapides. « C'est l'affaire de quelques semaines ».
Le président du conseil scientifique anticipe en tout cas une forte demande de tests sérologiques. « Beaucoup de gens vont arriver chez leur médecin et diront "Dr, je n’étais pas bien en mars, etc. est-ce que je peux faire une sérologie pour voir si j'ai été en contact avec le virus ? "C'est là que le dialogue médecin-patient prend toute sa valeur », explique-t-il.
En ce début de déconfinement, plusieurs syndicats de médecins libéraux ont affiché leur volonté de prendre toute leur part dans la nouvelle séquence. Dans un communiqué commun, la CSMF, MG France et le SML soulignent que le généraliste est « l'interlocuteur de confiance des patients ». « Le médecin traitant est le mieux placé pour délivrer un message d’éducation à la santé, pour conseiller en prenant en compte la situation particulière de chaque patient, pour évaluer son contexte familial et social. »
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