« Dialogue, confiance et concertation ». Haut lieu de la novlangue politique, l'Hémicycle de l'Assemblée nationale a connu ce jeudi une confrontation entre les partisans du conventionnement sélectif et les avocats (plus nombreux) de la liberté d'installation, gouvernement et députés de La République en marche (LREM) en tête.
Le contexte est connu : les élus examinaient, après un passage en commission des affaires sociales, la proposition de loi du groupe Nouvelle Gauche (NG) visant à lutter contre les déserts médicaux en limitant la liberté d'installation.
Porté par Guillaume Garot (NG, Mayenne), le texte prévoit un dispositif de régulation de l'installation des médecins libéraux appelé conventionnement territorial, qui limite l'arrivée de nouveaux praticiens dans les zones « en fort excédent » en matière d'offre de soins. Le médecin libéral qui voudrait quand même s'y installer ne pourrait être conventionné par l'assurance-maladie que si un autre médecin de la même zone cesse son activité.
Climat délétère
« Dialogue, confiance et concertation » est l'argument qu'a donc privilégié le groupe LREM après deux heures de débat pour faire adopter un renvoi en commission des affaires sociales, au principe que la PPL fait fausse route en choisissant la coercition plutôt que l'écoute. « Cette décision engendrerait un climat délétère à l'heure ou nous retissons un climat de confiance et d'écoute avec les professionnels », a avancé Marc Delatte (Aisne, LREM). Plusieurs députés ont soutenu que le plan antidésert du gouvernement était là pour faire le job. Pas la peine, donc, d'en rajouter.
Auparavant, Guillaume Garot avait tenté de convaincre ses collègues de l'intérêt du conventionnement territorial en jouant sur la corde sensible de l'accès aux soins, un objectif partagé. « Ne refusez pas l'idée de la régulation ! La réalité est que la situation est en train de s'aggraver durement. Cette proposition de loi est soutenue par des députés de la Nouvelle Gauche, La France Insoumise, la Gauche démocrate et républicaine et l'UDI. Emmanuel Macron a dit qu'il prendrait les bonnes idées à droite comme à gauche. Vous refusez celle-ci ! C'est incompréhensible pour les Français ! »
Un trop-plein de médecins ? Levez la main !
Cette « mesure fortement démagogique » pour Agnès Buzyn s'est heurtée à un mur d'arguments. « On ne réforme pas un système contre les médecins mais avec les médecins », ont assené à tour de rôle Brigitte Bourguignon (Pas-de-Calais, LREM), Stéphane Le Foll (Sarthe, NG) et Stéphane Viry (Vosges, LR), dont les interventions prouvent que le rejet de la coercition dépasse aussi les courants politiques. Le Dr Olivier Véran (Isère, LREM) est lui aussi monté au créneau afin d'éviter de « casser davantage les vocations ». « Qui, ici, a trop de médecins généralistes dans sa circonscription ? Levez la main ! », a-t-il jeté, s'attirant les foudres des uns et les louanges des autres.
Lobby médical
La Belgique et l'Allemagne ont tenté l'expérience du conventionnement sélectif avec un succès relatif, ont rappelé le Dr Martine Wonner (Bas-Rhin, LREM) et la ministre de la Santé elle-même. « Fausse bonne idée », « moyen de déshabiller Pierre pour habiller Paul » (ou l'inverse), « effet d'aubaine » ont été martelés pour clouer au pilori toute coercition, au point de faire sortir Alexis Corbière (Seine-Saint-Denis, La France insoumise) de ses gonds.
« Rien ne règle le problème de la désertification médicale et vous refusez toute régulation ! D'où vient cette idée que quand on est médecin, personne n'a à vous dire où vous allez travailler ? Les professeurs le font bien. Nous parlons là de service public et je constate que les médecins, parce qu'ils ont fait de longues études, sont exemptés des règles qui s'appliquent à d'autres. Le lobby médical est bien représenté dans cet Hémicycle ! »
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