En appelant les médecins libéraux à s'engager dans un mouvement de grève des gardes, d'abord les week-end puis en semaine, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S veut mettre la santé au cœur des programmes électoraux. Pour le généraliste installé à Fronton (Haute-Garonne), la contrainte à l'installation pourrait être acceptée par la profession à condition que les politiques s'engagent à proposer un plan Marshall pour la médecine libérale.
LE QUOTIDIEN Vous lancez un mouvement de grève progressive des gardes à partir de demain, le 1er décembre. Pourquoi ?
Dr JÉRÔME MARTY - Il y a aujourd'hui un véritable ras-le-bol de la profession. Notre système de santé s'effondre et le gouvernement continue à le gérer à la petite semaine, sans vision à long terme. L'hôpital public est en train de s'écrouler et les politiques veulent appliquer la même logique à la médecine de ville. On veut faire croire que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) vont résoudre les problèmes. C'est un mirage.
Pis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2022 autorise l'accès direct aux orthoptistes, aux orthophonistes et aux kinés sans aucune concertation. Nous ne sommes pas opposés à la pluriprofessionnalité mais dans le respect. Or, j'ai le sentiment qu'on ne nous respecte pas. À force de trop vouloir administrer le soin, à retirer la capacité des médecins libéraux à s'organiser, on va droit dans le mur. Par cet appel à la grève, nous appelons les médecins à être partisans de leur avenir et de ne plus subir.
Dans un contexte de pénurie médicale où la population a du mal à avoir accès à des médecins, votre appel n'est-il pas anachronique ?
Non. Pas du tout. Notre objectif est d'arriver à mettre la santé et tout particulièrement l'accès aux soins, la première préoccupation des Français, au cœur des programmes électoraux. Ce qui ne l'est pas actuellement et c'est honteux. Quand le gouvernement se félicite de la suppression du numerus clausus, c'est certes une avancée. Mais il ne voit pas que les jeunes médecins n'ont plus envie de travailler 60 heures par semaine comme on le faisait. Cela veut dire qu'en équivalent temps plein, dans dix ans, il y aura moins de médecins qu'aujourd'hui alors que la demande de soins explose. Alors comment fera-t-on ? Si les politiques ne parviennent pas à rendre le métier attractif avec par exemple une rémunération attrayante, en rapprochant déjà les tarifs au niveau des moyennes européennes et une vraie politique d'aménagement du territoire, alors il n'y aura pas plus d'installation dans les déserts médicaux.
Qu'espérez vous obtenir concrètement ?
Nous voulons des engagements à résoudre un certain nombre de problèmes. En tête la question des déserts médicaux. Pour régler de façon aiguë ces difficultés d'accès aux soins, certains politiques proposent des mesures contraignantes comme l'obligation pour les internes de réaliser la dernière année d'internat dans une maison de santé pluridisciplinaire. Nous pouvons accepter cette contrainte pendant un an, à condition qu'il y ait une politique globale d'accompagnement, la tenue des États généraux et un plan Marshall pour la médecine libérale comme les ordonnances Debré pour l'hôpital public.
Ce plan permettrait de rendre attractive la profession, à mettre sur la table la question des tarifs, de l'encadrement par l'administration. C'est seulement de cette façon que la contrainte pourrait passer auprès de la profession. Mais si c'est juste une mesure bouche-trou alors elle ne fonctionnera pas. Nous demandons aussi un moratoire sur la délégation des tâches. Aucune profession n'accepterait de voir une partie de son exercice donné à une autre sans aucune consultation avec leurs représentants.
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