20 mars 2020 : la Grande Peur
Il est trois heures, docteur, et vous ne dormez pas ?
Que faut-il faire ? Ou ne pas faire ?
En consultation, le flot de syndromes grippaux est incessant avec de curieux signes de perte de l’odorat ou du goût et une asthénie profonde sans aucun moyen de confirmation de diagnostic, pas de tests et avec des moyens de sécurité personnelle déficients, pas de lunettes, pas de gants, et masques au compte-gouttes…
Tous mes patients sont terriblement angoissés et cherchent des soins hypothétiques, mais aussi une parole réconfortante qui leur permet de retrouver la sérénité indispensable à leur équilibre personnel et familial en ce temps de confinement.
Le flot d’informations non contrôlé et toujours à la recherche du sensationnel morbide entraîne des troubles majeurs du comportement : tel ce cadre de l’industrie persuadé d’avoir le virus Covid 19, qui s’est enfermé dans sa cave depuis quatre jours, ne voulant pas contaminer ses enfants. Ou cette jeune mère qui arrête de nourrir son enfant de 6 mois pour ne pas le contaminer !
Et moi, sujet à risque, soignant en première ligne, est-ce bien raisonnable de continuer à travailler au risque de contaminer mon épouse et mes petits-enfants réfugiés à la maison ou, plus grave, de contaminer innocemment mes patients en consultation !
Où est mon devoir éthique d’être humain, de médecin, de mari, de père et de grand-père ?
Mais pour nous, médecins, le temps n’est certainement pas à la critique des dispositions de la direction générale de la santé mais à l’action avec conscience, détermination et dévouement répondant à notre serment d’Hippocrate ...!
Chaque jour amène en consultation des malades atteints a priori par le Covid et devant chaque cas il faut rassurer, expliquer, prendre en charge, puis assurer un suivi par téléphone car les signes de cette maladie sont très polymorphes allant de simples courbatures fébriles à des signes graves d’insuffisance respiratoire rapide… Nous avons informé, dès l’entrée de notre maison médicale de Golbey, notre fonctionnement avec une salle d’attente et une salle d’examen dédiées aux potentiels cas de Covid. Mais certains malades très indisciplinés ne veulent pas respecter ces consignes et compromettent la sécurité de tous !
Je suis témoin direct de l’évolution extrêmement rapide de la contamination… premier cas confirmé le 3 mars puis plus de cent cas vus en trois mois mais sans aucun moyen de confirmation de diagnostic… compliqué !
Assumons notre devoir de soignant avec rigueur et conscience malgré l’anxiété majeure de cette situation, car chaque cas de patient infecté pose un réel problème éthique. C’est effectivement très compliqué de prendre les bonnes décisions. Mais je vais continuer à travailler avec le maximum de précaution pour mes patients. Un bon soldat se doit de combattre dans l’espoir de gagner la guerre. Un marin n’abandonne pas son navire. Et à la grâce de Dieu !
10 avril 2020 : l'iportance du « vivre ensemble »
Au fil des jours je constate que cette crise sanitaire exceptionnelle permet de recentrer la population sur les valeurs essentielles du « vivre ensemble » avec l’émergence inespérée de solidarité, de fraternité et de générosité, sans oublier le dévouement des soignants. L’individualisme forcené de ces derniers temps s’estompe et c’est tant mieux. La personne humaine se rapproche de son milieu familial et cultive les valeurs de l’amour de son prochain.
Le soignant revient aux valeurs fondamentales de notre éthique médicale en ne soignant plus une maladie mais un être humain.
10 juin 2020 : le temps de se poser les vraies questions
L’épidémie s’estompe lentement mais sûrement… et le déconfinement progressif semble maîtriser la contamination. Il est peut-être maintenant temps de poser les vraies questions, ne serait-ce qu’au nom des 30 000 personnes décédées du Covid en France.
Pourquoi certains pays ont disposé de masques puis de tests systématiques permettant un isolement efficace des malades dès le début mars comme en Allemagne avec seulement 9 000 décès alors que nous en sommes à près de 30 000 en France ?
Pourquoi nous avoir promis ces tests pour le 15 avril alors qu’ils n’ont été disponibles que début juin ?
Pourquoi le personnel hospitalier infecté continue à travailler au risque de contaminer les patients ?
Pourquoi tout ce cinéma médiatique pseudoscientifique autour du Pr Didier Raoult ?
Pourquoi ces infos qui paniquent la population au lieu de l’informer et de la rassurer ?
Pourquoi tous ces avatars commerciaux avec des masques qui ont vraiment tardé à arriver ?
Au-delà de toute polémique inutile, je pense à toutes ces personnes humaines décédées qui méritaient évidemment de continuer à vivre et c’est en leur nom que je pose ces questions afin qu’une telle crise, avec un bilan aussi lourd, ne puisse se reproduire.
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