« IL EST IMPORTANT de développer une formation à la gestion du risque car c’est très différent de la formation médicale habituelle. La gestion du risque repose sur la prévention des erreurs. L’objectif n’est pas le bien ou le mieux, mais la suppression des défaillances dans la détection précoce des mises en danger, leur compréhension et la récupération des situations », explique le Dr Jean Marty.
C’est en septembre 2007 qu’a été créée l’association Gynerisq sous l’impulsion du Syngof, du Collège national des gynécologues-obstétriciens de France (Cngof) et de la Haute Autorité de santé (HAS). Avec la chirurgie et l’anesthésie notamment, la gynécologie-obstétrique fait partie des spécialités à risque. Le syndicat et le collège ont donc décidé, en lien avec les autorités sanitaires, d’organiser par le biais de cette association professionnelle la gestion du risque au sein de la spécialité. Aujourd’hui, environ 1 000 gynécologues-obstétriciens sont accrédités auprès de Gynerisq. « L’objectif est d’étudier les erreurs commises et pouvant avoir des conséquences afin de concevoir des barrières permettant d’éviter que ces défaillances ne se reproduisent. Dans le dispositif, il est bien sûr prévu de vérifier l’application de ces barrières et leur efficacité. Il est très important d’avoir un organisme qui collecte ce retour d’expériences à partir du terrain », indique le Dr Marty.
Déclaration des EPR.
Cette gestion du risque repose d’abord sur la déclaration par les professionnels des événements porteurs de risques (EPR) qu’ils rencontrent dans leur exercice. « Les médecins sont tenus de déclarer deux EPR par an. Il faut bien reconnaître que la déclaration de ces EPR ne passionne pas toujours les praticiens qui perçoivent cela, parfois, comme un pensum. Cela a pourtant une réelle utilité. Individuellement, quand on voit un ou deux cas d’un problème, on peut estimer qu’il s’agit de quelque chose d’isolé. Si l’expert qui dépouille cet EPR relève des défaillances de prise en charge, il les indique pour corriger les pratiques. Grâce à ces déclarations d’EPR, on peut voir aussi l’émergence d’un phénomène qu’on va pouvoir étudier et tenter de corriger. Par exemple, c’est grâce à ce dispositif que nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de complications urétérales retardées avec les pinces de thermofusion », note le Dr Marty. Une mise en garde sera diffusée. Une collecte ciblée de ces complications va être mise en place dans le but d’ analyser parfaitement ces accidents et, si possible, recommander une meilleure utilisation pour les prévenir : il s’agit d’une forme de barrière.
Selon le Dr Marty, les professionnels s’investissent davantage dans les déclarations faites dans le cadre des registres. « Dans ce cas, l’objectif est de déclarer tous les cas d’un type d’intervention dont on sait qu’elle peut comporter certains risques. Mentionner toutes les complications constatées permet de mesurer leur fréquence et de réfléchir aux mesures préventives. C’est vrai que les praticiens déclarent plus volontiers dans le cadre des registres que dans celui des EPR. Ils sont souvent intéressés par la dimension épidémiologique du registre. Ils ont envie de savoir si telle complication est fréquente ou rare, si telle pratique est plus dangereuse que telle autre ».
Un registre des prolapsus.
Par exemple, Gynerisq a mis en place un registre des prolapsus après les inquiétudes sur l’utilisation des prothèses. Les gynécologues-obstétriciens qui s’engagent déclarent toutes leurs interventions avec les complications éventuelles. « Aujourd’hui, environ 200 gynécologues-obstétriciens déclarent toutes leurs interventions de prolapsus dans ce registre. C’est un travail multicentrique considérable qui s’est mis en place avec enthousiasme par des confrères qui ne sont pas tous habitués, loin de là, à participer à la mise en commun systématique de leur expérience », indique le docteur Marty.
Pour les médecins, l’engagement dans cette démarche de gestion du risque permet notamment d’obtenir la prise en charge d’une partie de leur assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) par l’assurance-maladie.
« En fait, il y a deux types de motivations pour les médecins qui s’engagent dans cette démarche ». La première est la volonté des professionnels de trouver des solutions pour prévenir des situations dans lesquelles ils peuvent être potentiellement défaillants. Cette motivation est essentielle mais elle n’est sans doute pas suffisante. Il faut aussi un élément incitatif, une sorte de « carotte » comme cette prise en charge partielle de l’assurance en RCP. Cette « carotte » est indispensable pour passer outre aux désagréments d’un système informatique de déclaration mal commode de la HAS. Il a découragé les médecins du secteur public alors qu’ils sont certainement tout autant intéressés que leurs confrères du privé à s’engager pour prévenir les risques de défaillances. En revanche, le registre du prolapsus qui s’est affranchi du portail de la HAS attire les collègues du secteur public sans cette incitation financière. Aujourd’hui, en tout cas, l’intérêt de cette gestion du risque est très largement reconnu dans la spécialité. « Lorsque Gynérisq a été créée, un certain nombre de craintes ont émergé. Certains avaient peur de susciter des contentieux judiciaires de la part des patients qui trouveraient des déclarations les concernant. Aujourd’hui, toutes ces inquiétudes sont dissipées. L’anonymisation des données est une garantie forte et surtout tout le monde a compris que l’objectif est bien d’améliorer collectivement nos pratiques », indique le Dr Marty.
D’après un entretien avec le Dr Jean Marty, secrétaire général du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof) et trésorier de l’association Gynerisq.
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