C'est un fardeau qui devient trop lourd pour la CNAM et un fléau pour la société.
« Mal du siècle », les lombalgies représentent désormais près de 20 % des accidents du travail et une ardoise qui frise avec le milliard d'euros par an si l'on additionne les remboursements de soins directs, les indemnités journalières (IJ) et les séquelles sous forme de rente ou de capital (graphique ci-dessous). « C'est énorme, et c'est un problème de santé publique qu'on n'arrive pas à toucher ni à réduire », explique Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la CNAM.
[[asset:image:6756 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Socio-économique, l'enjeu dépasse de très loin le monde professionnel et la branche AT-MP* puisqu'un Français sur deux a eu un épisode de lombalgie au cours des douze derniers mois, deuxième motif de recours au médecin traitant aboutissant à un arrêt de travail une fois sur cinq. Or, si les lombalgies évoluent correctement dans 90 % des cas (et entraînent plutôt des arrêts courts et répétitifs), elles représentent près du tiers des arrêts de travail de plus de six mois (en forte progression) et la troisième cause d'admission en invalidité pour le régime général.
Juste recours à l'imagerie, à la kiné…
Ces statistiques préoccupantes ont conduit la Sécu à imaginer un plan global qui vise à optimiser les parcours de prévention et de soins des patients lombalgiques, l'enjeu étant d'éviter la chronicisation qui mène souvent à la désinsertion sociale et professionnelle. Les médecins généralistes, qui effectuent plus des trois quarts des consultations pour lombalgie, sont principalement visés, avec l'objectif de promouvoir auprès d'eux les bonnes pratiques, « notamment en termes de recours à l'imagerie et de maintien en activité de ces patients ».
Dans son rapport charges et produits pour 2017, la CNAM clarifie à cet effet les différentes phases d'évolution de la lombalgie depuis sa phase aiguë (moins de quatre semaines), jusqu'au passage à la chronicité (au-delà de trois mois). Et dresse plusieurs constats : un recours au spécialiste médical « présent mais tardif par rapport aux préconisations des sociétés savantes » ; un adressage important à certains chirurgiens (neurochirurgiens et/ou orthopédiques) dans les arrêts de plus de six mois ; des soins de masso-kinésithérapie « sans doute réalisés trop précocement au stade de la lombalgie aiguë » ; le recours à l'imagerie du rachis lombaire « trop fréquent », etc.
Cibler les maisons de retraite
La CNAM pointe également la corrélation entre le secteur d'activité et la sinistralité : les risques de lombalgie sont faibles dans les banques et les assurances ; modérés dans la métallurgie, la chimie et le commerce non alimentaire ; importants dans l'agroalimentaire ou les transports ; et élevés dans le BTP. Mais c'est le sur-risque dans la logistique et les activités de soin et d'aide à la personne qui préoccupe surtout la caisse. D'où sa volonté de développer des programmes de sensibilisation et de prévention ciblés dans les établissements les plus exposés aux risques, en commençant par les maisons de retraite.
En matière de prévention primaire, la branche AT/MP va adapter aux lombalgies son programme TMS Pros instauré en 2014. Il se propose d'accompagner les entreprises dans la prévention et le dépistage, le cas échéant avec des aides permettant de financer la formation d'une personne-ressource au sein de l'entreprise, ou encore l'achat de matériel ou d'équipements pour réduire les contraintes physiques.
Une expérimentation de « case management » (assistance au parcours) est également en cours dans plusieurs caisses pour accompagner des salariés lombalgiques vers le retour dans l'entreprise, en impliquant précocement les médecins du travail, l'équipe pluridisciplinaire et les spécialistes de rééducation fonctionnelle.La CNAM envisage enfin, pour 2017, une campagne grand public relayant les messages essentiels et traquant les fausses croyances sur les lombalgies. Une autre campagne sur le thème de l'absentéisme est en préparation pour le début de l'année prochaine. Elle ciblera les entreprises ayant une proportion « atypique » d'IJ maladie/accidents du travail en matière de lombalgies par rapport à leur secteur d'activité.
Repères
En 2015, les lombalgies ont représenté 167 000 accidents de travail, soit une progression de 2 300 par an depuis dix ans.
Elles représentent également 15 % des accidents de trajet et 7 % du total des maladies professionnelles reconnues chaque année.
Les consultations chez le médecin traitant pour lombalgie donnent lieu une fois sur cinq à un arrêt de travail. 50 % de ces arrêts de travail pour lombalgie sont inférieurs à deux semaines.
Pour les lombalgies liées à un accident du travail, la durée moyenne de l'arrêt est de deux mois.
Pour les lombalgies "maladies professionnelles", elle est d'un an. Les lombalgies représentent 30 % des arrêts de travail de plus de six mois.
* Accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP)
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