PAS DE PROJET DE LOI HPST au menu des députés aujourd’hui mais depuis mardi, les députes ont déjà consacré de nombreuses heures à l’examen de la loi Bachelot - la discussion article par article a débuté mercredi soir - après qu’une question préalable du député socialiste de la Nièvre Christian Paul a été retoquée. Pendant ce temps, les amendements au texte de Roselyne Bachelot continuent de s’empiler à l’Assemblée. Il y en avait plus de 2 500 en milieu de semaine, portés pour une très large partie par… la majorité. L’ampleur du phénomène donne de l’espoir à tous ceux qui voudraient voir la loi changer. Quelques exemples.
La résistance des praticiens hospitaliers s’organise
Depuis le 29 janvier, où la France a défilé dans la rue, la mobilisation continue pour les praticiens hospitaliers (PH). Deux des quatre intersyndicats de PH (la Confédération des praticiens des hôpitaux - CPH - et l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers - INPH) appellent à une rétention du codage des actes depuis le début du mois de février.
Ce mot d’ordre sera maintenu tout au long de l’examen du projet de loi, préviennent les deux organisations médicales, non pour obtenir l’ajournement de la loi - cela, la CPH et l’INPH n’y croient plus guère -, mais pour que s’ouvrent de réelles négociations avant la sortie des textes réglementaires. Le renforcement du pouvoir des directeurs d’hôpital, instauré par la loi HPST sur demande de Nicolas Sarkozy, en particulier, ne passe pas auprès des PH.
La CPH et l’INPH invoquent également d’autres motifs d’insatisfaction pour expliquer leur mot d’ordre. La sortie, quasiment à la veille de l’examen de la loi HPST, du rapport IGAS stigmatisant les disparités de revenus entre les PH, a été perçue comme une « entreprise de déstabilisation ». Également décriées, en vrac : la « désinformation » au sujet des dépenses hospitalières, « l’exploitation » des drames du mois de décembre « pour stigmatiser l’hôpital et son manque d’organisation », la réforme du régime de retraite IRCANTEC, défavorable aux praticiens hospitaliers, ainsi que la non-reconnaissance de la pénibilité du travail pour les spécialités à gardes.
Et, pour couronner le tout : les incohérences du calendrier. « Il y aura un rattrapage de la mission Marescaux [chargée de mettre sur pied une réforme des CHU, NDLR] par des amendements à la loi HPST lors du passage au Sénat : c’est vraiment n’importe quoi », lâche le Dr Pierre Faraggi, président de la CPH. Le Dr Rachel Bocher, présidente de l’INPH, enchaîne : « Les blouses blanches n’ont pas voulu la guerre, mais les incohérences de Roselyne Bachelot nous poussent à bout. Elle vient d’interpeller les professionnels de santé en leur demandant plus d’efforts. Mais dans quel monde vit-elle ? Nous sommes à bout! », expose la psychiatre du CHU de Nantes. Carton rouge également pour le président de la République : « Nicolas Sarkozy s’acharne sur l’hôpital de façon désorganisée et monomaniaque ».
Quel est l’impact de cette rétention du codage sur les recettes des hôpitaux ? Il est trop tôt pour le dire, d’autant que la CPH et l’INPH ne sont pas en mesure de préciser la proportion de médecins qui participent au mouvement. Selon le Dr Pierre Faraggi, président de la CPH, les effets se feront sentir rapidement. « Il y a des capacités de mobilisation extrêmement fortes », affirme-t-il.
À noter, deux nouvelles journées d’action sont programmées : un mouvement interprofessionnel le 19 mars, et une mobilisation nationale centrée sur la santé début mars (sans doute le 5 mars). Les PH y participeront, pour marquer leur « ras-le-bol des incompétences élyséennes », déclare Rachel Bocher.
L’intense lobbying des promoteurs de l’HAD
Opération séduction pour la patronne de la Fédération nationale de l’hospitalisation à domicile (FNEHAD). Rompue au processus législatif, Elisabeth Hubert a réuni mercredi à l’Assemblée nationale une brochette de députés et d’assistants parlementaires pour faire valoir la carte qu’a à jouer son secteur spécifique d’activité dans le cadre de la future réforme hospitalière. L’ancienne ministre de la Santé publique et de l’Assurance-maladie d’Alain Juppé a déjà réussi un premier tour de force : présentés pour certains par la commission des Affaires sociales, pour d’autres par des députés UMP isolés, une douzaine d’amendements vont être examinés dans l’hémicycle qui concernent l’avenir de l’HAD. Certains souhaitent lui donner un socle législatif et en faire « une activité de soins à part entière » tout en protégeant « l’utilisation abusive » de l’appellation, d’autres proposent d’assouplir la gestion du médicament dans les établissements d’HAD titulaires d’une pharmacie à usage intérieur, d’autres encore visent à permettre que les professionnels libéraux intervenant dans les structures d’HAD puissent être rétribués sous d’autres formes que le paiement à l’acte… Bâton de pèlerin en main, Elisabeth Hubert défend inlassablement le « relief particulier » que revêt l’HAD dans le cadre de la loi Bachelot en terme de coordination des soins, de PDS, de transversalité. Sur le projet de loi au sens large, elle met en garde : « Il ne faut pas céder à une tentation trop normative qui, dans un système trop planificateur, étoufferait les structures qui existent déjà. »
L’UNOF formule ses propositions sur la démographie
Alors que l’Assemblée nationale a commencé l’examen de la loi HPST, dont un volet est consacré à l’offre de soins, l’UNOF-CSMF ne relâche pas la pression et envoie à l’ensemble des députés, ainsi qu’au cabinet de Roselyne Bachelot ses propositions « d’aides incitatives pour les zones à faible démographie médicale ». Car pour le Dr Michel Combier, patron de l’UNOF, « le diagnostic n’est pas bien fait sur de sujet, et il faut distinguer le manque ressenti du vrai symptôme ». Pour l’UNOF en effet, ces problèmes de démographie médicale ne concernent réellement que 5 % de la population française - « Ce n’est pas parce qu’on pense avoir de la fièvre qu’on en a vraiment ». L’UNOF note à cet égard que plusieurs thermomètres différemment étalonnés servent à prendre la mesure du problème : il y a la cartographie réalisée en 2005 qui comptabilise 1 487 médecins exerçant en zones déficitaires, et celle de 2008, très contestée, qui ne fait état que de 747 médecins en zones très sous-dotées. « Quelle est la cartographie qui fera référence en 2009 », se demande Michel Combier.
Première priorité énoncée : établir une cartographie précise des zones sous-dotées et très sous-dotées, mais « en collaboration avec les médecins concernés », et non établie par « des fonctionnaires déconnectés du terrain ». Quant aux aides, tant fiscales que conventionnelles, elles ne doivent pas être réservées aux médecins exerçant en zones très sous-dotées, mais étendues aux zones sous-dotées. Elles ne doivent pas non plus « cesser brutalement au bout de 5 ans », mais diminuer progressivement jusqu’à la 10e année.
Il faut ensuite s’attaquer à la PDS en diminuant le nombre de secteurs dont chacun devra être doté d’un point fixe de garde, mettre la garde ambulancière à contribution pour les patients ne pouvant se déplacer, et mieux rémunérer la régulation, pierre angulaire de la PDS. Car, prévient l’UNOF, sans PDS organisée,
aucune mesure ne fera venir les médecins dans les zones fragiles.
Mais il faut aussi revaloriser la formation médicale initiale en encourageant les étudiants à effectuer un stage de 2e ou 3e cycle dans une zone déficitaire, mettre en place d’un guichet départemental unique d’information et d’installation, et pérenniser les aides au fonctionnement des maisons de santé et des pôles de santé, leur mode de fonctionnement entraînant un surcoût par rapport à celui d’un cabinet médical traditionnel.
C’est très nettement la taxe pour les médecins refusant d’aller prêter main-forte à leurs confrères exerçant en zones fragiles qui cristallise l’actuel mécontentement de l’UNOF. Pour Michel Combier, « on sent bien que la volonté n’est pas de contraindre les médecins à donner un coup de main puisque la chose est presque infaisable, mais de les faire payer ».
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