Dans un rapport mis en ligne la semaine dernière, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) s'attaque à l'importante filière des soins visuels, qui regroupe les ophtalmologistes, les orthoptistes et la profession commerciale des opticiens-lunetiers, et en dresse un état des lieux.
En 2019, la France comptait 5 882 ophtalmologistes (dont près des deux tiers libéraux exclusifs), 5 185 orthoptistes, spécialistes de la rééducation, de la réadaptation ou encore de l'exploration de la fonction visuelle et plus de 38 000 opticiens-lunetiers chargés de la vente des verres correcteurs et lentilles. La filière visuelle est toutefois très « traditionnelle », estime le rapport. L'ophtalmologiste est « la porte d'entrée » obligatoire pour la prescription, garantie d'une qualité des soins qui donne lieu à des files d'attente. Les spécialistes, à 59 % en secteur II, sont de plus mal répartis sur le territoire. Conséquence, les délais d'attente atteignent près de trois mois et les patients recourent à des « stratégies de contournement » (achat de lunettes-loupes, prescription par un généraliste).
Ces dernières années, les réformes « volontaristes » se sont certes multipliées : élargissement des compétences en orthoptie, protocoles organisationnels et de télémédecine entre médecins et orthoptistes, renouvellement des corrections par les opticiens… Le recours au travail aidé (médecin et orthoptiste, ou infirmière) s'est accru, pour atteindre 63 % en 2019, selon le Syndicat national des ophtalmologistes (SNOF). Mais ces évolutions des pratiques ne sont pas suffisantes et leur bilan est « médiocre », estime l'IGAS. Une vingtaine de contrats de coopération des soins visuels, mis en place en 2017, ont été signés entre médecin et orthoptiste, et les renouvellements d'ordonnance par les opticiens plafonnent. Le nombre de patients vus a augmenté de 300 000 patients par an entre 2015 et 2018, alors qu'une hausse de 500 000 patients par an serait nécessaire pour réduire les délais de prise de rendez-vous.
Ouvrir la primo-prescription
Ces écueils ne permettront pas de contrer les projections de démographie médicale qui prévoient des départs à la retraite massifs ces prochaines années, estime l'IGAS, qui dresse une vingtaine de recommandations pour faire évoluer l'organisation des soins de la filière. Concernant la démographie, les inspecteurs appellent à maintenir après 2023 la croissance du nombre d’internes en ophtalmologie (prévue à 165 postes à cette date) avec priorité pour les régions de faible densité. Le rapport préconise aussi d'élargir la télé-expertise aux relations entre ophtalmologiste et orthoptiste, ou opticien-lunetier. Surtout, l'IGAS souhaite élargir les compétences paramédicales, autorisant les opticiens-lunetiers et les orthoptistes à adapter au patient les primo-prescriptions erronées ou inconfortables, avec information du prescripteur, voire d'autoriser la primo-prescription des verres correcteurs par les opticiens-lunetiers et les orthoptistes, pour les patients de 16 à 42 ans avec une faible correction si la situation ne s'améliore pas avant la fin 2021.
Des propositions qui ne plaisent pas au SNOF. Le Syndicat estime que le cumul prescription/vente doit « continuer à être fermement exclu » pour les opticiens, dont la possibilité de renouveler les ordonnances a par ailleurs été renforcée récemment avec le 100 % Santé. Également très opposé à la télémédecine dans les magasins d’optique, le Dr Thierry Bour, président du SNOF, préfère jouer la patience et miser sur « la montée en charge progressive des mesures mises en route depuis plusieurs années, associées à leur renforcement dans les zones sous-dotées » pour réduire les délais de prise en charge.
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