GROSSE AFFLUENCE à la conférence inaugurale du congrès du MEDEC, dont le thème était « Démographie médicale, où va-t-on ? ». Animé par Gérard Kouchner, président de CMP Medica, le débat accueillait le Dr Michel Chassang, président de la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), le Dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, Jean Parrot, président de l’Ordre national des pharmaciens, Frédéric van Rkeghem, directeur de l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance-maladie), le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, et le Pr Laurent Degos, président de la HAS (Haute Autorité de santé).
Un bref exposé de la situation démographique médicale pour commencer. Certes, il y a 260 000 médecins inscrits au tableau de l’Ordre, explique en substance le Dr Michel Legmann, mais il faut retrancher de cette somme 38 000 médecins retraités, 4 100 retraités en activité partielle, 6 282 temporairement sans activité et 10 000 remplaçants. « Les médecins en activité régulière ne sont donc qu’environ 200 000 », note Michel Legmann qui précise pour couronner le tableau que « l’activité libérale n’est plus attractive : en 2009, seuls 9 % des médecins nouvellement inscrits au tableau ont choisi l’exercice libéral ». Entre 1988 et 2008, ajoute-t-il, le nombre de remplaçants a augmenté de 523 %.
Très vite, l’épée de Damoclès de la contrainte à l’installation est au centre du débat. Frédéric van Rkeghem note qu’au-delà de leurs légitimes revendications, « la responsabilité des soignants est de répondre aux besoins de soins de la population ». Pour le patron de l’UNCAM, « aucun pays n’a de solution miracle, même si l’on sait que l’élément financier n’est pas déterminant. Ce qu’il faut, c’est une palette de solutions, mais si les professionnels répondent aux besoins de la population, la question de la contrainte sera levée ». Michel Chassang prend à son tour la parole. Pour lui, dans 95 % des cantons, les patients ont accès à un médecin « à moins de dix minutes de distance », si bien que « seuls 4 % de la population est touchée par les déserts ». « Cela fait tout de même 2,5 millions de personnes », rétorque Frédéric van Rkeghem. Michel Chassang ne se laisse pas démonter : « Certes, les dix prochaines années seront dures, mais les choses vont ensuite s’améliorer grâce à la hausse du numerus clausus ». Pour le patron de la CSMF, « il faut raison garder, ne pas céder à la panique et ne pas remettre en cause le pilier de la médecine libérale qu’est la liberté d’installation ». Selon lui, la loi HPST (Hôpital, patients, santé et terrotoires) conduit les libéraux « à l’étatisation et à la remise en cause de l’exercice libéral. Les incitations qu’elle prévoit méritent d’être saluées, mais cette loi est polluée par les mesures de coercition, comme les contrats de solidarité ou la taxe, prévus à partir de 2012. J’espère que le Sénat reviendra sur le principe de cette taxe ».
Hédonisme.
Martial Olivier-Koehret revient sur son idée d’analyser en deux mois la situation démographique, département par département (« le Quotidien » du 2 mars) : « Cette proposition n’était pas risquée, car les problèmes d’accès aux soins sont réduits géographiquement, et il y a beaucoup d’endroits où il n’y a pas de médecins car il n’y a pas d’activité ». Plus généralement, le président de MG-France estime que les temps ont changé : « Il y a une préoccupation hédoniste des médecins à travailler moins. La rémunération des libéraux n’est pas très attractive, dans le salariat, on travaille moins en gagnant plus. Il est donc logique que les jeunes se tournent vers le salariat ». Le président Legmann attrape la balle au bond : « Plus personne ne devrait coter « C ». Aujourd’hui, tout le monde devrait coter en « CS » ». Même le patron de l’UNCAM le reconnaît : « C’est vrai, il y a une légère décote des revenus des libéraux par rapport à ceux des salariés ». Puis, il aborde le sujet des pôles de santé pluridisciplinaires : « La réponse à la désertification n’est pas forcément de remplacer chaque médecin qui s’en va, mais plutôt de constituer des pôles qui vont stabiliser l’offre de soins. Mais c’est difficile car il faut mettre d’accord tous les acteurs locaux ». Même tonalité du côté du Pr Laurent Degos : « Les pôles de santé sont une solution aux problèmes de démographie médicale, en mettant fin à l’exercice isolé. De plus, ils permettent la coopération interprofessionnelle ». Jean Parrot s’interroge : « Les pôles de santé, c’est très bien, mais ils vont concentrer l’offre de soins en zone rurale. Que va-t-il se passer pour les pharmacies, postes avancés de santé publique dans ces zones rurales, qui se trouveront éloignées de ces pôles ? Il ne faut pas les oublier ».
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre