Malgré l'opposition d'associations de patients et de psychiatres, les fichiers des forces de l'ordre pourront désormais comprendre des données de santé, comme la mention des addictions, les troubles psychologiques, psychiatriques ou les comportements auto-agressifs. Le Conseil d'État a validé, en début d'année, trois décrets modifiant les conditions de fichage des personnes soupçonnées d'atteinte à « la sûreté de l'État » par la police et la gendarmerie.
Trois fichiers sont concernés : celui du Pasp (Prévention des atteintes à la sécurité publique) tenu par la police et du Gipasp (Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique) géré par les gendarmes. Tous deux traitent des informations liées aux atteintes à la sécurité de l'État. Le dernier, celui de l’EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique) est utilisé avant le recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles. D'après le ministère de l'Intérieur, fin 2020, 60 686 personnes étaient inscrites au Pasp, 67 000 au Gipasp et 221 711 à l'EASP.
Facteurs de dangerosité et de fragilité
Les forces de l'ordre auront donc la possibilité de collecter non seulement les « opinions politiques » ou l'« appartenance syndicale » mais également les troubles psychologiques et psychiatriques (au rang des « facteurs de dangerosité ») et les addictions ou comportements auto-agressifs (« facteurs de fragilité »).
Plusieurs associations de patients* en santé mentale sont vent debout contre ce fichage qu'elles assimilent à une violation du secret médical et une atteinte fondamentale aux droits du patient. « Les personnes en situation de fragilité ont besoin de soins, pas d'une nouvelle stigmatisation, a réagi auprès du « Quotidien » Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). Cette réglementation acte un lien abusif et non démontré entre troubles psychiatriques et sûreté de l’État. »
Des psychiatres sur le qui-vive
Après le pataquès autour d'Hopsyweb (fichier permettant le traitement et la consultation, par les autorités, des données à caractère personnel de patients suivis en soins sans consentement), les psychiatres sont sur le qui-vive. La Fédération française de psychiatrie a prévenu « qu'elle ne se laissera pas intimider » et « ne donnera aucune information relative à ces fichiers ».
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) estimait, dans un avis, que les données portant sur des « troubles psychologiques ou psychiatriques connus ou signalés dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à l'évaluation de la dangerosité » pouvaient faire l'objet d'une collecte à condition de ne pas être fournies par « un professionnel de santé soumis au secret médical ». À ce stade, les modalités de transmission de ces informations ne sont pas connues mais après la récente fuite de données médicales sur internet, la réticence des psychiatres devrait s'accroître.
* Advocacy, Argos 2001, l'Association francophone des médiateurs de santé pairs, Promesse S, Collectif schizophrénies et Unafam
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