EN RECONNAISSANT pour la première fois à neuf spécialistes de médecine générale le droit de coter leurs consultations « CS », la cour d’appel de Grenoble a lancé un pavé dans la mare tarifaire. Par ricochet, ce jugement a jeté le trouble entre la réaction de fermeté de la caisse sur le tarif de la consultation « qui reste à 22 euros », la discrétion du ministère sur le sujet, certains mots d’ordre d’application immédiate du CS à 23 euros, les appels syndicaux à un accord conventionnel rapide, jusqu’à la revendication d’un changement de nomenclature faisant disparaître C et CS… sans oublier le positionnement de l’Ordre national pour qui la cotation CS par un spécialiste de médecine générale ne déroge en rien au code de déontologie !
Qu’en pensent les médecins directement concernés ? Sont-ils prêts à franchir le Rubicon et à prendre le CS de façon unilatérale ? Sont-ils prêts à entrer dans un conflit sur les honoraires en cas d’impasse ?
Les généralistes que « le Quotidien » a interrogés estiment dans leur grande majorité que l’exigence d’équité tarifaire traduite par le C = CS est aujourd’hui totalement légitime et justifiée au regard de l’évolution des textes régissant la médecine générale depuis 2002, de l’allongement progressif de la durée du cursus initial, de la nouvelle qualification de spécialiste en médecine générale (déjà acquise par 26 000 généralistes !), bref de l’accession symbolique de cette discipline au rang de « spécialité à part entière ». Un processus de reconnaissance renforcé par la mise en place du médecin traitant (2004) et aujourd’hui du médecin généraliste de premiers recours pivot des soins de première ligne (projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires - HPST - adopté par les députés). Si l’on ajoute les déclarations passées de certains ministres sur le C = CS comme un principe incontournable (Xavier Bertrand dès septembre 2006) et le fait que le tarif de 23 euros est inscrit dans la convention depuis bientôt deux ans (avenant n° 23 publié en mai 2007 !) comme un horizon proche mais sans cesse repoussé, on mesure mieux le trouble actuel sur le juste prix de la consultation de base, socle de la future grille des actes cliniques. « Depuis le temps qu’on en parle, j’ai des patients qui sont persuadés que la consultation est déjà passée à 23 euros », ironise ce médecin généraliste toulousain.
Il n’empêche : la plupart des médecins de famille se montrent pragmatiques, attachés à la fixation officielle des tarifs en accord avec l’assurance-maladie, garantie du remboursement des patients sur la base des tarifs facturés. Ils préfèrent à l’évidence une solution négociée à la stratégie du bras de fer envisagée, encouragée, ou agitée comme une menace par certains syndicats ou groupes médicaux (conflit avec les caisses primaires qui rejettent les feuilles de soins cotées en CS, contentieux devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale…). La perspective d’une guérilla sur les honoraires, d’une « chienlit » tarifaire (l’expression a été employée dans nos colonnes par le président de la CSMF) ne les enchante guère. Nombre de généralistes insistent spontanément sur la gravité du contexte social et économique dont ils ne peuvent faire abstraction dans leur pratique quotidienne. « Je suis très en colère mais je ne veux pas prendre mes patients en otage alors que les plans de licenciements se multiplient », résume ce généraliste lyonnais.
Pour autant, une minorité de praticiens affichent leur exaspération, estiment que le « manège » des pouvoirs publics a assez duré. Ils jugent que le temps d’un conflit tarifaire est (re)venu, comme en 2002 lorsque des milliers de généralistes contestataires avaient facturé d’autorité le C à 20 euros avant de l’obtenir dans la négociation conventionnelle. L’histoire peut-elle se répéter ? La direction de l’assurance-maladie suit cette affaire de près (sans pouvoir préciser à ce jour l’ampleur des cotations en CS) et devait annoncer prochainement la reprise des négociations. Priorité affichée : la clarification de la nomenclature avec le nouveau tarif de l’acte de base de médecine générale et la revalorisation des spécialités cliniques. Une opportunité pour lancer enfin le versant clinique de la nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM).
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