Le long plaidoyer contre le tiers payant généralisé de l’un de nos confrères, publié dans « le Quotidien » du 30 avril, amène des arguments incontestables (les très probables tracasseries administratives et le temps perdu à les régler) et d’autres plus étonnants.
Ainsi, notre confrère pense que « quelque chose disparaîtra dans cette relation privilégiée médecin-patient » dès lors que cette relation ne sera pas « ponctuée par une gratification, certes modeste mais existante », laissant entendre que le paiement à l’acte direct et immédiat joue un rôle dans la qualité de la médecine et des soins, notamment, dit-il, en ce qui concerne l’attention et l’écoute prêtées aux patients.
Cette hypothèse, que je ne partage pas, est inquiétante à bien des égards.
Inquiétante d’abord pour tous nos collègues et confrères/consœurs praticiens hospitaliers. Leur qualité d’écoute et d’attention ne serait pas égale à celle des libéraux, dès lors que, mensualisés, le paiement à l’acte leur échappe ? J’en doute.
Inquiétante ensuite pour tous les soins déjà administrés en tiers payant. La qualité d’écoute et l’attention des médecins libéraux ne seraient pas les mêmes à l’égard des patients bénéficiant de la CMU ou autres ? Je ne le crois pas, et ce serait contraire à l’éthique la plus élémentaire.
Inquiétante enfin pour les médecins libéraux eux-mêmes, qui ressentiraient une sorte de satisfaction ou de plaisir à recevoir directement de l’argent, chèque, carte ou liquide, à la fin d’une consultation bien menée, au lieu de le recevoir le lendemain sur son compte bancaire, et qui, du coup, porteraient plus d’attention et d’écoute au patient. À moins que, plus inconsciemment, ce soit à l’inverse la gêne de recevoir de l’argent de la main à la main, qui entraînerait une sorte de compensation en temps et en attention. Mais tout cela, reconnaissons-le, manque d’argumentation.
En tout cas, pour avoir fait toute ma carrière à la fois en libéral et en salariat, je peux en témoigner : je n’ai jamais eu le sentiment d’exercer avec une meilleure qualité relationnelle en libéral pour des raisons liées au paiement à l’acte (mais parfois par contre, c’est vrai, pour des raisons liées à de meilleures conditions matérielles d’exercice).
Trop de gens ont déjà tendance à penser, à tort, que la médecine est un commerce comme les autres, et que les soins sont meilleurs quand on paye, et encore meilleurs quand on paye cher. Ne leur donnons pas du grain à moudre en mettant en avant un pseudo-critère de qualité relationnelle, qui justifierait un paiement à l’acte physique en fin de consultation, dont certains jugent, à tort ou à raison, qu’il est devenu obsolète à l’heure de l’informatisation de toutes les transactions financières, mêmes les plus minimes.
Les médecins, et leurs syndicats, dans leur opposition résolue au TPG, ont le mérite d’être clairs : ce sont les conditions administratives de ce TPG (qui vont vraisemblablement être source de complications chronophages) et, au second plan, le lien de subordination indéniablement accru entre l’administration et les médecins, qui les inquiètent (l’hypothèse d’une possible surconsommation de soins liée au TPG fait, elle, encore débat).
Imaginer ou suggérer que le TPG puisse altérer la relation médecin-malade n’est pas réaliste. L’écrasante majorité des médecins, j’en suis convaincu, donnent les mêmes soins aux riches et aux pauvres, aux gens aisés comme aux assistés, et le « dis-moi comment tu payes et je te dirai comment je te soigne » n’est ni pour demain ni pour jamais.
Car, le TPG, s’il est mis en place, transformera indéniablement les conditions d’exercice des médecins libéraux, mais ni leur conscience professionnelle, ni la qualité de leurs actes, n’en pâtira. Et cela, j’en suis sûr, vaut pour tous, et dans toutes les conditions.
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