Un pédiatre d'Indre-et-Loire radié en juillet pour avoir fourni un faux certificat de vaccination, une psychiatre parisienne poursuivie il y a quelques jours pour avoir monnayé des attestations de troubles psychiatriques… L’actualité récente a démontré que les médecins fraudeurs pouvaient être rattrapés par la justice.
Le phénomène de faux certificats ne concerne pas uniquement de tels faits, exceptionnels par leur ampleur. « Les certificats médicaux font partie des causes les plus courantes de plaintes, parce qu’ils sont mal rédigés », confiait récemment au Quotidien le Dr Philippe Garat, membre de la chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France et coauteur d'un "Guide des certificats et autres écrits médicaux"*.
La faculté de médecine Lyon I a ainsi dressé une « liste noire » officieuse de médecins peu scrupuleux à établir des certificats. « Je suis toujours étonnée quand je croise dans les couloirs des étudiants en pleine forme, qui se font systématiquement mettre en arrêt maladie au moment des examens, d’autant plus quand les certificats sont antidatés… », s’insurge une enseignante de la faculté.
Ce genre d’abus est difficile à vérifier. Pour autant, les médecins se doivent de rester vigilants. « Nul n’est censé ignorer la loi », le risque encouru est multiple, rappelle le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologique au Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM). « Un praticien qui produirait par exemple de faux certificats s’exposerait non seulement à des sanctions ordinales, mais aussi sur le plan pénal, civil et administratif », explique-t-il. Ces sanctions peuvent aller de la relaxe à la radiation, en passant par l’avertissement, le blâme et ou encore la suspension d’exercice, de 8 jours à 3 ans, avec ou sans sursis.
Faire face aux pressions et menaces
Jusqu’où un service rendu à des proches ou à la famille reste-t-il acceptable ? Comment réagir aux pressions de certains patients qui peuvent virer à la menace ? Il est important de rester souverain dans sa décision tout en demeurant dans le cadre légal, rappelle l’Ordre (voir encadré). « Du fait de son rôle social en tant que médecin, il faut rester digne et impartial. Seuls certains certificats sont obligatoires au vu de la loi. Les autres sont à la libre appréciation du médecin, il faut parfois savoir refuser », rappelle le Dr Faroudja. Sans noircir le tableau, le responsable ordinal veut mettre en garde les médecins. « La plupart des certificats ne sont pas volontairement malhonnêtes, mais le plus souvent maladroits. Il faut prendre le temps de la réflexion, et ne pas remettre un certificat immédiatement au patient », indique le Dr Faroudja.
Les fraudes surveillées par la CNAM
Contactée par « le Quotidien », l'assurance-maladie ne cible pas à proprement parler les certificats de complaisance, nous indique-t-on. « Les dérives sont principalement observées dans le cadre de notre activité de contrôle. Le plus fréquemment, il va s’agir de l’indemnité journalière liée à un arrêt de travail. Par exemple, un médecin qui fournira un volume important de certificats d’arrêt de travail remontera dans notre base, donnant lieu à une vérification. Ce genre de situation ne dépend pas forcément d’une mauvaise volonté, cela peut aussi venir du patient qui abuse de la confiance du médecin », nous précise-t-on.
En cas d’atypie, l'assurance-maladie organise une rencontre entre le médecin concerné et son service médical, pour une mise sous objectif. En cas de refus de la part du praticien visé, une mise sous accord préalable est enclenchée. « Cela concerne tout au plus une dizaine de médecins par an », ajoute l'assurance-maladie. « S’il arrive que des cas de prescription de complaisance soient identifiés dans le cadre de contrôles, il s'agit de cas individuels qui ne permettent pas de mesurer l'ampleur du phénomène », explique pour sa part la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
De septembre 2015 à fin juin 2016, 71 affaires impliquant des certificats ont été jugées, donnant majoritairement lieu à des rejets de plainte sur le fond ou sur la forme (32), deux suspensions, huit interdictions temporaires d’exercer, deux blâmes, et un avertissement. Les affaires restantes ont été annulées du fait du retrait de la plainte ou par manque d’éléments.
* « Le Guide des certificats et autres écrits médicaux* », des Drs Ariel Toledano et Philippe Garat, est paru en avril dernier aux Med-Line Éditions, 150 pages, 15 euros.
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne