DEPUIS PLUSIEURS semaines, il se murmure que la FHF tangue en interne. Les langues se délient avec peine. « Le sujet est sensible. Je préfère laver mon linge sale en famille », commente un membre du bureau national.
Fondée en 1924, la FHF défend les hôpitaux publics en usant de ses relais politiques. L’institution, influente, intervient dès que se trame une réforme hospitalière - autant dire souvent. C’est son ancien président, Gérard Larcher, que Nicolas Sarkozy a choisi pour préparer la réforme Bachelot l’an passé. Sans surprise, les propositions du sénateur ont obtenu l’imprimatur de la FHF et de son actuel président, Claude Evin.
Médecins, directeurs d’hôpital, et élus siègent à parité au sein du conseil d’administration de la FHF. En bonne entente. « La nouvelle gouvernance des hôpitaux en place depuis 2005 a rapproché les médecins et les directeurs », observe un médecin. Et voilà que le projet de loi Bachelot arrive au Parlement, en mars dernier, et qu’éclate la polémique sur la gouvernance hospitalière. Les députés renforcent les pouvoirs des directeurs d’hôpitaux et placent les médecins sur la touche. Claude Evin, dans les media, approuve. Le SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers) aussi. Ce sont les seuls soutiens.
À la FHF, une ligne de fracture se creuse aussitôt. « La Fédération est restée sourde aux arguments des médecins, qui se sont sentis exclus, déplore le Pr Pierre Coriat, président de la CME de l’AP-HP, et membre du bureau national de la FHF. Certains médecins, depuis, ne viennent plus à la FHF. C’est mon cas ». Idem pour le Dr Philippe Olivier, président de la CME du CH d’Avignon, et vice-président de la FHF en région PACA : « Je ne vais plus à la FHF. Jean Leonetti (le vice-président de la FHF, député UMP) a pris les médecins pour des irresponsables pendant les débats, dit-il . La FHF a voulu que les médecins viennent dans ses instances, qu’elle les écoute et qu’elle les respecte ». D’autres médecins sont plus mesurés : « Claquer la porte serait improductif, considère le Dr Gilles Chauvin, président de la CME du CH de Mont-de-Marsan. Il faut rester soudés au sein de la FHF pour préparer les communautés hospitalières de territoire ».
Quel nouveau projet
Depuis un mois, la situation semble bloquée. Pourtant, les sénateurs ont amendé le texte des députés ; le gouvernement a annoncé le report de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques ; Claude Evin et Jean Leonetti ont adopté une posture plus souple. Il n’empêche : les médecins restent sur leurs gardes. « Aujourd’hui, il y a un problème de confiance entre les médecins et la FHF », observe un directeur d’hôpital (membre du CA de la FHF). La position de la Fédération a-t-elle contribué à mettre les médecins dans la rue ? « On aurait souhaité quelques nuances, il y a peut-être eu des maladresses », confie ce directeur sous couvert d’anonymat. Tous, médecins et directeurs, réclament une sortie par le haut. « Sinon, les médecins risquent d’opter pour la contestation, voire le désengagement », met en garde le Dr Yvan Halimi, président de la Conférence des présidents de CME de CHS.
Le 26 mai, la FHF a adopté une nouvelle convention nationale. L’occasion, pour Claude Evin, de revenir sur la situation. « Je n’ai pas nié l’existence d’un malaise, dit-il a posteriori. J’ai noté la volonté de tous de dépasser cela. Je ne souhaite pas que cela laisse de traces ». Officiellement, Claude Evin quitte la présidence de la FHF en décembre prochain, mais on le dit pressenti pour prendre la tête de l’ARS d’Ile-de-France cet été. « Il n’y a pas de raison que je n’aille pas jusqu’au bout de mon mandat », répond-il.
En public, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à l’appeler « Mon cher Claude », à invoquer son action passée de ministre de la Santé, à le qualifier d’ « homme engagé » (à Nancy, le 12 mai). « Claude Evin a franchi le Rubicon », s’agace un membre du CA de la FHF. « N’en faisons pas une affaire de personne », rectifie Jean-Marie Le Guen.
La charge du député PS parisien n’en reste pas moins très lourde. « La FHF a un problème de légitimité. Qui représente-t-elle ? Je ne vois pas le début d’une majorité, assène Jean-Marie Le Guen (membre du CA de la FHF) . Même des directeurs d’hôpital sont très choqués par sa position. Aujourd’hui, la FHF est affaiblie, fragilisée. Il faut une nouvelle donne ». Aurait-il dans l’idée de se présenter face au successeur pressenti de Claude Evin, Jean Leonetti, l’actuel vice-président ? « Non. Cela ne m’intéresse pas du tout, assure Jean-Marie Le Guen . En revanche, il faut absolument des élections pour permettre à la FHF de se ressourcer. Je ne suis pas pour la cooptation ».
La FHF semble à un tournant. Sa priorité : faire revenir au plus vite les praticiens hospitaliers dans son giron. « Après le vote de la loi et le départ de Claude Evin, les morceaux devraient se recoller, pronostique un directeur d’hôpital. Les directeurs vont sauver la face en gardant des prérogatives, les médecins auront obtenu des avancées au Sénat. Restera à bâtir un nouveau projet ». « Tant que la FHF restera verrouillée par les directeurs de CHU, elle manquera de courage politique pour s’attaquer aux problèmes de fond », déclare un médecin. Plus optimiste apparaît cet autre praticien : « Il faut à tout prix éviter une victoire à la Pyrrhus qui augurerait de lendemains difficiles pour les hôpitaux ».
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