Il faudra s'y habituer : pour garantir le « maintien des compétences » et l'« actualisation et le niveau des connaissances », la « certification périodique » va s'imposer à sept professions à compter de 2023 : médecins, sages-femmes, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, infirmiers, kinés et pédicures-podologues.
Ce nouveau dispositif sera bordé par ordonnance et précisé dans plusieurs décrets. Dans le projet consulté par « Le Quotidien », chaque professionnel — libéral ou salarié — est « assujetti » à ce dispositif obligatoire. Il devra ainsi justifier « sur une période de six ans » de son engagement dans cette « démarche » comportant des actions (dont le développement professionnel continu — DPC) couvrant quatre champs : actualisation des connaissances et des compétences ; amélioration de la qualité des pratiques professionnelles ; amélioration de la relation patient ; prise en compte de sa propre santé individuelle par le professionnel. Si la nature de ces actions doit être précisée par décret, le projet indique que « chaque professionnel choisit les actions qu’il souhaite engager ».
Mais alors que le rapport Uzan, préparatoire à cette réforme, recommandait une recertification obligatoire pour les seuls nouveaux diplômés (et seulement « volontaire » pour tous les autres praticiens inscrits préalablement à l'Ordre), le gouvernement a tranché dans un sens plus contraignant. L'obligation concernera aussi tous les médecins en exercice avant l’échéance du 1er janvier 2023. Ces derniers auront simplement un délai supplémentaire de trois ans (au plus tard le 1er janvier 2032) pour valider leur engagement et le confirmer ensuite périodiquement.
Un Conseil national sous tutelle ministérielle
L'ensemble des actions réalisées seront retracées dans un « compte individuel ». Le texte ne précise pas s'il s'agit du document de traçabilité mis en place par l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) ; mais il renvoie à un décret en conseil d'État pour définir les modalités d'utilisation et d'accès à ce compte. La gestion de ces dossiers sera confiée à une « autorité administrative », également désignée par voie réglementaire. Quant au contrôle du respect de l'obligation de certification périodique, il sera assuré par « les Ordres », là encore dans des conditions à préciser.
Pour définir la stratégie, la promotion et le déploiement du dispositif, un « Conseil national de la certification périodique », présidé par le ministre de la Santé (ou son représentant) sera mis sur pied. Il fixera les orientations scientifiques de la recertification et devra garantir que la procédure est indépendante de tout lien d'intérêt. La HAS de son côté définira la méthode d’élaboration des référentiels de certification périodique ; et les conseils nationaux professionnels (CNP) devront déterminer, pour profession ou spécialité concernée, les parcours de formation permettant à chaque praticien de satisfaire à son obligation.
Sanctions possibles
Plusieurs points majeurs restent à clarifier comme les professionnels « exclus de l’obligation » (exemptions), le financement et surtout les « sanctions administratives et financières » prévues en cas de « manquement » à l'obligation de certification périodique.
Face à ce cadrage de la formation tout au long de la vie, la profession se montre déjà sceptique, voire très critique. Le syndicat de généralistes MG France se méfie du Conseil national de la certification périodique, au parfum bureaucratique. « Avec cette ordonnance, tout est possible, y compris le pire, alerte aussi le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Il faut éviter un contrôle continu sous la tutelle de n'importe quel acteur et il est hors de question qu'on aille repasser des examens dans les facultés. » Très remonté, l'UFML-Syndicat affiche sa colère contre cette nouvelle obligation imposée aux médecins libéraux en exercice sans aucune contrepartie d'attractivité. « Que veut certifier le ministère ? interpelle le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML. Des médecins libéraux dont la moyenne d'âge est de 54 ans ? Des médecins dont le taux de suicide est supérieur de 2,5 fois par rapport à celui de la population générale ? Ils veulent certifier quoi ? Un mort ? »
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