Dans un climat tendu pour la médecine de ville (échec des négociations conventionnelles, multiplications des initiatives parlementaires sur l'accès aux soins), les échanges entre le député (Horizons) et ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, et deux représentants des libéraux de santé – la présidente du SML Sophie Bauer et le patron de la Fédération nationale des Infirmiers Daniel Guillerm –, sont restés courtois, lors des « Contrepoints de la santé » ce mardi à Paris.
Dans le contexte de désertification médicale, Frédéric Valletoux se savait attendu au tournant, puisqu'il s'apprête à défendre dans l'Hémicycle en juin une proposition de loi « visant à améliorer l’accès aux soins pour tous », réorganisant la gouvernance locale de la santé dans chaque territoire, ce qui inquiète le secteur libéral. D'où sa volonté de désamorcer le terrain ce mardi, en évitant les mots qui fâchent comme la régulation à l’installation ou la permanence des soins obligatoire pour tous, deux chiffons rouges.
CPTS, adhésion automatique mais non obligatoire
« Cette loi ne révolutionnera pas le système de santé, et plutôt que de parler de déserts médicaux, je préfère parler de mauvaise répartition des soignants », a cadré en préambule l’ancien patron de la FHF, proposant une approche à la carte. « Les besoins ne sont pas les mêmes selon les territoires, explique-t-il. On ne soigne pas de la même façon dans le sud du Finistère que dans le centre de l’Alsace. »
Frédéric Valletoux veut s'appuyer fortement sur les conseils territoriaux de santé (CTS), à l’échelle des bassins de vie, pour que ces derniers « deviennent l’agora de ceux qui prennent en charge les Français », à la fois organes de gouvernance et de démocratie sanitaire. Et sur le volet des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le député s'est employé à rassurer à nouveau les libéraux, précisant que tout praticien intervenant dans une telle communauté pourrait être considéré automatiquement comme membre de celle-ci mais sans obligation. « L’adhésion n’est pas obligatoire, les praticiens sont libres de la quitter », insiste-t-il.
Quelle PDS demain ?
Plus rugueuse a été la séquence sur la permanence des soins, un des volets de sa future proposition de loi. Ira-t-on plus loin vers l'obligation, en ville comme à l'hôpital ? Est-ce une obligation collective et partagée ? Le député n’a pas levé tous les doutes. Ce qui n’a pas empêché la Dr Sophie Bauer (SML) de contre-attaquer sur ce terrain en soulignant que « 96 % des secteurs de PDS-A sont pourvus, en général par des praticiens qui ont déjà l’âge d’avoir des petits-enfants, mais pas encore celui de la retraite ! Quant à la PDS en établissement, dans les cliniques, les astreintes et les gardes sont souvent effectuées de façon bénévole par les médecins ».
La question de l’accès direct aux paramédicaux s’est invitée dans la discussion. « Il est temps de passer d’une vision médicale paternaliste du soin à quelque chose de plus collaboratif, a analysé le président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). À ce propos, la proposition de loi Rist a été une occasion manquée extraordinaire. Mais elle nous aura au moins permis de mettre un pied dans la porte. »
La tentation des solutions radicales
Pour Frédéric Valletoux, les médecins libéraux ont en tout cas intérêt à se préoccuper de l’évolution de l’attitude des parlementaires en matière d’installation. « Non seulement à l’Assemblée mais aussi au Sénat, je sens la tentation de s’orienter vers des solutions beaucoup plus radicales, insiste-t-il. Cette radicalisation émane de tous les bords politiques. »
Certes, les médecins ont encore la main dans le débat sur l'accès aux soins, comme l’a prouvé le retrait du contrat d’« engagement territorial », initialement prévu dans la proposition de loi Rist. Mais demain, que décideront les élus pour satisfaire les trois quarts des Français qui considèrent que leur territoire est « déjà ou en train de devenir un désert médical » ? La PPL Valletoux, en débat la semaine du 12 juin – mais aussi les amendements qui ne manqueront pas d'y être ajoutés – apportera de premiers éléments de réponse.
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