Un paiement par capitation mensuelle et annuelle selon des objectifs fixés par avance. Et un suivi adapté à l’âge par un « médecin traitant renforcé ». À Paris, les médecins d'ipso santé fonctionnent avec des règles du jeu différentes. Un mode de fonctionnement qui semble bien leur convenir.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi et comment avez-vous fait le choix d’un nouveau mode de rémunération par capitation ?
Dr MARIE BENQUE : Début 2020, les quatre cabinets du groupement Ipso Santé Paris ont obtenu un financement article 51 (projet d’expérimentation d’innovations en santé) pour la mise en place d’un « nouveau contrat médecin traitant » signé entre le médecin traitant, l’équipe de soins primaires et le patient. Ce contrat annuel repose sur des engagements du médecin : bilan préventif et annuel des risques médico-psycho-sociaux, maintient d’un dossier médical partagé avec l’équipe de soins, continuité des soins privilégiée, service administratif pour organiser le parcours de soins, délégation d’actes aux infirmiers et paramédicaux, suivi de plans d’action. Le patient doit consentir à ce que son suivi soit réalisé par le médecin traitant hors circonstances exceptionnelles ou éloignement du domicile. À ce jour, 1 500 des 11 000 patients de ces trois cabinets ont accepté de signer ce contrat qui permet au médecin de recevoir un forfait mensuel (attribué sur des critères d’évaluation initiale du patient, d’objectifs thérapeutiques et de suivi et surveillance), une enveloppe annuelle (avec des objectifs de prévention et d’éducation thérapeutique) et des pratiques hors forfait et hors enveloppe (analyse des prescriptions médicamenteuses, soins de deuxième recours, recrutement de partenaires).
Cette expérimentation a-t-elle pour but de modifier les rapports des médecins traitants avec leurs patients ?
Le but de cette expérimentation est de renforcer le rôle du médecin traitant dans la coordination du parcours de soins de son patient en disposant de plus d’autonomie ; d’inciter les médecins généralistes à prendre dans leur patientèle « médecin traitant » des patients complexes avec un nouveau mode de financement prennent en compte le temps de prise en charge qu’ils nécessitent. L'objectif est aussi de renforcer l’attractivité de l’exercice libéral pour les jeunes générations de médecins généralistes avec un modèle d’organisation et de pratique en accord avec leurs attentes. Enfin, il s'agit de réduire les inégalités sociales en santé en apportant plus d’équité dans les prises en charge et d’améliorer l’accès aux soins et l’efficience de la prise en charge.
Fini le paiement à l’acte qui peut limiter l’accès aux soins. Le forfait améliore l’organisation et la disponibilité du médecin là où il en a besoin. Cela lui permet aussi d'être rémunéré sur les activités réalisées hors des consultations : lecture examens complémentaires et conduite à tenir, prise de rendez-vous avec des spécialistes, réponses aux mails… Ces nouvelles modalités devraient aussi améliorer la flexibilité dans la façon de communiquer du médecin avec les patients (il existe en effet des situations où les consultations physiques ne sont pas indispensables, les problématiques administratives, par exemple) et lui donner l'occasion de s’impliquer davantage dans le suivi des malades complexes qui nécessite un investissement en dehors des consultations (personnes âgées à domicile, problématiques à gérer en différé).
Comment abordez-vous cette modification du lien avec les patients ?
Nous fournissons aux patients, selon leur âge et leurs facteurs de risques, une fiche de renseignements sur la place de « médecin traitant renforcé ». Les thèmes abordés en consultation, l’intérêt individuel de l’expérimentation, le rythme de suivi sont détaillés et la fiche représente un support de discussion avec les patients. Le forfait recouvre des actes distincts pour lesquels plusieurs soignants du cabinet peuvent être impliqués (sages femmes, IDE…). La liste des actes de médecine générale est définie dans le cahier des charges.
Élargir les thèmes abordés, préciser le quotidien, parler de dépistage et de prévention crée un lien qui libère la parole. La signature du contrat permet aussi une meilleure prise en compte de l’implication des médecins en dehors des consultations (échanges par mail, lectures de résultats, prises de rendez-vous…).
Dans ce cadre, la relation médecins/patients devient moins verticale (avec un lien paternaliste), plus horizontale, fondée sur une discussion plus égalitaire et sans que la question financière impacte le lien interindividuel. Les nouvelles demandes sont proposées au « fil de l’eau » aux nouveaux patients et à des patients suivis à long terme.
Exergue : La relation médecins/patients devient moins paternaliste, plus horizontale, fondée sur une discussion plus égalitaire
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