QUELQUE 200 médicaments, comme la Bétadine, le Débridat, l’Equanil, l’Erythromycine, l’Hexomédine, le Kétoprofène, le Myolastan, le Phénergan, le Rhinadvil, mais aussi le Tanakan, le Tétrazépam, le Théralène, le Valium ou le Zovirax devraient voir leur taux de remboursement chuter de 35 % à 15 %, à partir du mois d’avril. C’est la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 qui en avait décidé le principe (même si à l’automne le gouvernement évoquait seulement 110 médicaments...). L’assurance-maladie est en train de mettre en musique ces baisses de remboursements. Économie attendue : 145 millions d’euros.
Certes, dès réception du courrier que reçoivent les laboratoires concernés, ceux-ci disposeront d’un mois pour contester la mesure, mais les expériences passées montrent que ce processus ne devrait jouer qu’à la marge sur la décision de baisse de taux. De son côté, la Mutualité Française a déjà fait savoir qu’elle invitait ses mutuelles adhérentes à ne pas assumer la différence (85 %), expliquant que soit les médicaments ont un intérêt thérapeutique et ils doivent être pris en charge, soit ils sont inutiles et doivent être tout simplement déremboursés (encadré). Avis que ne partage pas l’économiste de la santé Claude Le Pen : « Ce taux de 15 % offre tout de même une possibilité pour le gouvernement de faire des économies sans soulever la colère des Français. Car ces médicaments, même s’ils sont moins remboursés, gardent un prix fixé par l’État. Un médicament déremboursé peut voir son prix fixé librement, et peut donc fortement augmenter ».
Catastrophes à venir (UNOF), on dérembourse la médecine de ville (MG-France)
La nouvelle, en tout cas, ne laisse pas la profession indifférente. Certains produits concernés sont de prescription courante même si la majorité d’entre eux représente des montants assez faibles. Surtout, dans cette affaire, les médecins n’ont pas voix au chapitre. Pour le Dr Michel Combier, président de l’UNOF (CSMF), « ce sont toujours les patients et les généralistes qui portent le chapeau. Un jour tous les médicaments de médecine générale seront déremboursés et en vente libre, il y aura des catastrophes ». Il regrette « une mesure comptable qui ne résoudra en rien le déficit. Nous attendons toujours une définition cohérente du panier de soins ». Pour le patron de l’UNOF, « certaines pathologies bénignes, comme celles soignées par ces médicaments, faisaient venir les patients chez nous, ce qui permettait parfois de dépister d’autres pathologies plus graves. Ces patients ne viendront plus et ne seront plus dépistés ».
Le Dr Claude Leicher, président de MG-France, est sur la même longueur d’onde : « En réalité, on est en train de dérembourser la médecine de ville et de réserver l’assurance-maladie aux prescriptions hospitalières. Ce sont les patients qui vont payer l’addition alors qu’il s’agit de médicaments utiles ». Quant au Dr Claude Bronner, coprésident d’Union Généraliste, il constate qu’ « on ne demande jamais aux praticiens ce qu’ils pensent de ces déremboursements, alors que leur avis pourrait être précieux. Tout cela mériterait une réflexion globale et ne générera pas d’économies ». Le SML joue une partition un peu différente. Son secrétaire général, le Dr Jean-Louis Caron, concède que les médicaments concernés « sont utiles mais pas primordiaux. Je peux comprendre que l’assurance-maladie veuille se concentrer sur des pathologies plus graves ».
L’argument de l’effet économique est très souvent contesté. Dans bien des cas, expliquent les leaders syndicaux, les généralistes modifieront leurs prescriptions et les économies resteront virtuelles. Le Dr Combier le dit sans fard : « S’il existe des traitements de substitution mieux remboursés, j’adapterai ma prescription ». « Une fois de plus, complète Claude Bronner, cela amènera les praticiens à prescrire autre chose de plus cher ». Et Claude Leicher donne un exemple concret : « Quand on a déremboursé les médicaments de drainage bronchique, certains praticiens ont prescrit à la place des séances de kiné respiratoire. Moi-même, je vais essayer de continuer à prescrire dans le champ du remboursable ».
Un point de vue que partage le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) : « Lors des derniers déremboursements de veinotoniques, on a observé l’utilisation d’AINS pour agir contre des phénomènes douloureux avec aussi un risque thérapeutique plus élevé ». Pour le Pr Druais, « Il n’est pas rare que certains patients aient 50 euros par mois de dépenses non remboursées, cela commence à poser problème ». Les décisions en matière de remboursement, médicament par médicament, devraient être annoncées courant avril via le « Journal officiel ».
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique