« Ça vaut combien un médecin ? » : L'Union française pour une médecine libre Syndicat (UFML) adresse une longue lettre ouverte en forme de SOS à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, à la veille de la publication de la stratégie nationale de santé, qui doit faire l'objet d'un décret attendu.
L'organisation du Dr Jérôme Marty dresse un double état des lieux alarmiste de la pénurie médicale d'une part et de la souffrance des médecins libéraux d'autre part. « Il y a un effondrement des installations au sortir des facultés, des déplaquages à tour de bras, des épuisements, des suicides, une administration qui pèse sur nos vies, un encadrement de nos pratiques qui vire à l'enfermement, des tarifs déshonorants, véritables "déshonoraires", énumère le généraliste de Fronton. On bosse 55 à 80 heures par semaine, ciment sociétal, nous tenons la société à bout de bras, et là où nous venons à manquer, la société menace de s'effondrer. »
« 25 balles » pour tenir debout la société
Le courrier daté du 17 décembre met l'accent, au-delà du soin, sur le rôle majeur de lien social du praticien libéral, « au centre même de ce qui permet le vivre ensemble ». « Nous sommes là quand cela va mal, au plus près de la souffrance et de tous les maux, nous écoutons, nous soignons nous rassurons, nous accompagnons », peut-on lire. Or, pour l'UFML Syndicat, le médecin assume aujourd'hui ces missions « malgré un mépris continu de l'État, de ses relais, de ses agences, de l'assurance-maladie, des assurances complémentaires. À 25 balles nous sommes encore là, face au vieillissement de la population, à l'augmentation des besoins, à la précarité, au désespoir, à l'angoisse des lendemains, nous sommes là ! ».
L'exercice médical libéral serait « de plus en plus difficile ». Le courrier cite « les départs », « le doute insinué » chez les plus jeunes, la panne de vocations… Le paiement à l'acte, objet de toutes les critiques ? « J'entends la cohorte des experts rémunérés, confortablement nommés à la tête d'associations ou d'organisations désigner ce mode de paiement comme inadapté parce qu'entraînant une course à l'acte… la manipulation est grossière », tacle le Dr Marty pour qui « il faut avoir un certain culot pour désigner coupable un paiement à l'acte dont on bloque toute possibilité d'évolution tarifaire pour mieux dire qu'il est inadapté ».
Haro sur les « pitres »
Les traditionnelles solutions anti-déserts médicaux portées par « cette intelligentsia sans patient » sont balayées d'un revers de plume. « Les maisons médicales, le salariat des professionnels, le paiement au parcours de soins, la délégation de tâches, la prise en charge de cotisations sociales, le forfait structure, et leurs corollaires – les contrats de pratiques et les indicateurs – ne sont que solutions d'aval et de traitement palliatif, puisqu'elles ne s'attaquent pas au problème et ne posent pas les vraies questions », tonne le Dr Marty, qui pose sans fard la question. « Combien vaut un médecin, combien l'État est-il prêt à investir ? »
L'UFML Syndicat récuse au passage la thèse du « donnant/donnant », autrement dit l'idée selon laquelle le médecin serait en permanence redevable à la puissance publique. « J'entends déjà nombre de pitres, qui gravitent dans les cercles ministériels, assurantiels ou associatifs s'offusquer : "l'État paie leurs études", "l'assurance-maladie prend en charge une part de leurs cotisations sociales", et ....et quoi ? L'État économise sur le dos des plus jeunes, qui permettent aux hôpitaux de tourner à moindre coût […]. Quand aux cotisations sociales, à 25 euros l'acte et 4,5 % d'augmentation tarifaire en 30 ans, le seuil de rupture est proche, le contrat est devenu léonin. »
Au terme de ce courrier, l'UFML enfonce le clou. « Pour évaluer la qualité d'un médecin, il faut qu'il existe, il faut qu'il soit vivant », exhorte le Dr Marty qui invite l'exécutif à « payer convenablement les médecins, pas par des subventions, pas par des aides contractuelles, simplement par le respect de ce qu'ils valent ! ».
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