LE QUOTIDIEN : Pendant les négociations, vous n'avez cessé de dire que cette nouvelle convention n'était pas structurante et n'inciterait pas les jeunes à s'installer en libéral. Pourquoi l'avoir finalement signée ?
Dr JEAN-PAUL HAMON : Il ne s'agit pas, comme le prétendent certains, de faire un quelconque cadeau politique à Marisol Touraine. Je rappelle qu'il y a tout de même un peu d'argent pour revaloriser la profession. Près d'un milliard d'euros sera investi en deux ans par l'assurance-maladie. Je pense sincèrement que la droite ne mettra pas cet argent sur la table une fois qu'elle aura été élue, quand elle aura constaté l'état économique du pays. Comme il y a cinq ans, la santé ne sera pas au cœur de la campagne présidentielle. On parlera burkini, voile et sécurité. Notre signature est pragmatique. La FMF se trouvait en position de signer, de faire vivre la convention et d'en prendre le leadership ! Nous voulons faire entendre notre voix et ne plus être vus comme un syndicat de contestataires et de braillards qui ne proposent rien.
Qu'est-ce qui a fait pencher la balance dans le camp du oui ?
L'assurance-maladie a accepté de porter la majoration spécifique appliquée dans les Antilles au niveau de celle de la Guyane et de la Réunion. Concrètement, en Martinique et en Guadeloupe, la consultation passera le 1er mai 2017 de 25,30 euros à 29,60 euros, grâce à la FMF. Nous avons également obtenu à la dernière minute que le frottis, actuellement coté à la moitié de sa valeur (6,23 euros), passe à taux plein (12,46 euros) quand il est associé à la consultation. De même, les gynécologues auront la possibilité de coter les biopsies (21,45 euros) en plus des colposcopies (49,82 euros). Ces hausses sont inscrites dans les annexes de la convention.
Le scrutin que vous avez organisé en interne s'est avéré très serré. Être le seul syndicat polycatégoriel à porter cette convention n'est-il pas très dur à porter ?
1 076 cotisants à jour ont participé au vote : 53 % ont approuvé l'accord et 47 % l'ont rejeté. Incontestablement, beaucoup de médecins spécialistes se sont exprimés contre cette convention, de même que de nombreux praticiens en secteur II.
Mais personne ne peut douter que la FMF défend tous les médecins. En l'absence d'accord, le règlement arbitral aurait donné cet argent uniquement aux généralistes, aux chirurgiens et aux anesthésistes. Les spécialistes auraient eu encore moins !
Je sais que nous prenons des risques. Il aurait été plus confortable de rester avec les contestataires. Nous sommes traités de "traîtres", "vendus", "pourris", on dit que nous nous sommes engagés pour toucher l'argent conventionnel. Mais ayons le courage de le dire : il est très difficile de remobiliser les médecins. Étant donné le contexte économique, la hausse du chômage et ce qu'ils voient dans leurs cabinets, ils ne se sentent pas le droit de descendre massivement dans la rue et d'engager un blocage sanitaire. Faute de troupes, nous entrons dans la citadelle avec les moyens qui nous sont donnés et faisons le pari de changer les choses de l'intérieur.
Certains de vos alliés, à l'instar de l'UFML, dénoncent votre décision...
Nous sommes dans une période de turbulences. L'UFML veut se transformer en syndicat, ce qui serait selon moi une erreur majeure. Nous n'avons pas signé la convention pour chanter les louanges de Marisol Touraine. Ce n'est pas parce que nous signons la convention que nous cautionnons la loi de santé. Nous continuerons à nous y opposer, à rejeter le tiers payant généralisé obligatoire, à défendre le secret médical. Nous continuerons à défendre tous les médecins libéraux.
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