Généraliste retraité, le Dr Christian Bianchi, 69 ans, vient d'être élu président de la commission scientifique indépendante (CSI) médecins. Cette instance de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) doit contrôler la qualité scientifique, pédagogique et méthodologique des actions. Il estime que certaines formations ne sont pas au niveau et que le DPC devrait être axé davantage sur les patients et sur le travail collaboratif. Entretien.
LE QUOTIDIEN : Vous avez été élu président de la commission scientifique indépendante des médecins (CSI), au sein de l'ANDPC. Quel est votre parcours ?
Dr CHRISTIAN BIANCHI : Né à Paris, j'ai grandi à Marseille, en Allemagne et à Bordeaux où j'ai fait toutes mes études de médecine. J'ai beaucoup voyagé car mon père était dans l'armée. Je me suis installé pendant 40 ans dans un bourg dans le Gers, d'abord seul puis en association avec mon épouse. Pendant mon exercice de généraliste en milieu rural, je me suis engagé dans la représentation professionnelle qui était à l'origine du syndicat MG France dans ce département.
Je participais aux enseignements post-universitaires (EPU) mais je n'étais pas très satisfait de la façon dont les choses se déroulaient. On était trop dépendant des laboratoires pharmaceutiques ! Du coup, avec d'autres médecins, nous avions créé un groupe de formation médicale continue départementale, MG 32. J'ai ensuite adhéré au niveau national à MG FORM, qui est un organisme de formation médicale continue reconnu pour les généralistes. J'ai été d'abord participant, animateur, concepteur puis expert. J'ai pris aussi des responsabilités au sein de cet organisme au niveau régional puis national. J'ai été ensuite désigné pour représenter la profession au niveau scientifique et pédagogique au sein de l'ANFMC, devenue l'ANDPC.
Pour moi, la formation continue est indispensable pour maintenir notre niveau de compétences, assurer la sécurité des patients et la qualité des soins. Les connaissances médicales se renouvellent presque entièrement tous les dix ans. Il est donc important de se tenir au courant !
Quel est justement le rôle de la CSI et de son président ?
Sa première mission est d'assurer une veille scientifique et pédagogique sur la qualité des actions de DPC proposées par les organismes de formation. Nous sommes aussi chargés d'évaluer ces actions. En raison de leur nombre – environ 15 000 – nous ne pouvons toutes les examiner ! Une sélection s'opère grâce à un système de tirage au sort avec un algorithme. Cela nous permet de contrôler un certain nombre d'actions chaque année pour assurer que les critères pédagogiques et scientifiques sont bien respectés.
La CSI est composée de 34 membres et nous travaillons en parfaite harmonie entre spécialistes d'organe, de « machine » et de médecine générale. Nos avis sont argumentés et indépendants afin de faire avancer la qualité globale scientifique et pédagogique.
En tant que président, je dois préparer les 90 dossiers, voire 100, présentés chaque mois. Ensuite, un binôme examine ces mêmes dossiers. Je n'ai pas plus de voix que les autres. En cas de problème sur tel ou tel dossier, c'est l'ensemble du groupe qui l'examine. Chacun fait valoir ses points de vue. À la fin, on vote.
Quel est votre jugement général ?
Je pense que la qualité pédagogique de certains organismes de formation pourrait être bien meilleure. Certaines formations proposées sont des « pédagogies descendantes » : on s'assied et on écoute ! Mais ce type d'actions ne va pas modifier forcément les pratiques médicales. Ce qui est intéressant dans le DPC, c'est d'amener les médecins à changer leur pratique. Depuis quelques années, nous vérifions que les organismes appliquent bien les méthodes proposées par la Haute autorité de santé (HAS).
Comment voyez-vous l'évolution du DPC ?
Le DPC est une brique de la formation continue. C'est une partie réglementaire puisque les médecins doivent satisfaire à une obligation triennale. Mais pour moi, le DPC devrait être plus axé sur les patients et le travail en collaboration des professionnels de santé.
Il doit encourager les médecins, les infirmiers, les kinés à travailler ensemble, à communiquer et à se coordonner sur le parcours de soins, la sécurité des patients à tous les niveaux. À l’heure actuelle, il y a certes des formations interprofessionnelles. Mais leur contenu scientifique reste insuffisant sur la coordination et la communication.
L'ANDPC a certes lancé des appels d'offres correspondant à cet objectif mais il semble que la plupart des organismes n'aient pas compris et continuent à travailler en silo… Il est peu courant que les actions soient vraiment élaborées en étroite collaboration. On a par exemple des formations sur le diabète conçue par des médecins, ou par des infirmiers. Chacun y voit la pathologie par son point de vue, alors qu'il faudrait se mettre ensemble, sortir de nos chapelles pour travailler sur des parcours dans l'intérêt de la sécurité et de la qualité des soins.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique