Tous les experts du secteur l'affirment : hors des sentiers battus par le Centre national de gestion (CNG), organisme en charge de la gestion des carrières médicales dans les établissements publics, le marché du recrutement des praticiens hospitaliers (PH) à court, moyen ou long terme se porte bien.
Des agences historiques comme Adecco Medical proposent près de 300 postes en CDI ou CDD et d'autres, comme le groupe Fed, ont même lancé à l'été 2016 une filière santé, permettant à douze structures (hôpitaux, EHPAD, etc.) de mettre enfin la main sur des médecins, dont neuf en CDI.
Au forfait ou au pourcentage (8 à 20 % de la rémunération brute annuelle du médecin selon nos informations), les tarifs (qu'aucune société ne confirme) varient du simple ou double. Au début du mois, une clinique parisienne a versé 16 000 euros à une agence pour le recrutement d'un gériatre en CDI à temps partiel. En Bretagne, un ex-hôpital local a trouvé deux généralistes en six mois. Montant de l'opération : 18 000 euros hors taxes par tête. Dans l'Est, un hôpital s'est vu proposer un anesthésiste pour moins de 10 000 euros. L'embauche n'a pas eu lieu.
Cannibalisation
En réalité, la bonne santé du secteur s'explique surtout par la hausse de l'intérim. « L'écart entre les salaires proposés par les établissements et les rémunérations journalières proposées aux médecins remplaçants en intérim est très important, les candidats sont donc très attirés par ces prestations éphémères qui font mal aux recrutements », explique le cabinet P&P Conseil. « Le recrutement de PH par voie classique est moins fréquent qu'avant, confirme le Dr Max-André Doppia, président d'Avenir hospitalier. La pratique de l'intérim s'est légalisée et ses dérives avec. »
Selon le rapport ad hoc (2013) du Dr Olivier Véran, ex-rapporteur de la loi de santé, les établissements avaient déclaré 76 millions d'euros sur ce poste de l'intérim médical en 2012, chiffre alors en hausse de 50 % en trois ans. Au total, le neurologue estimait que 6 000 médecins « tournent » sur des postes vacants, coûtant à l'hôpital 500 millions d'euros. Le coût moyen d'une journée d'intérim est évalué à 1 370 euros.
Depuis, la pénurie médicale s'est aggravée. L'hôpital d'Auxerre (Yonne) a dépensé 3,6 millions d'euros en 2016 en intérim pour faire tourner (entre autres) ses urgences. Un urgentiste intérimaire coûte toujours 1 100 euros net pour 24 heures. « On nous a réclamé 2 000 euros à Noël, on a refusé », confirme la direction de l'établissement, qui s'agace de la surenchère tarifaire pratiquée par certains praticiens mercenaires. Sur 200 urgentistes intérimaires missionnés en dix ans, 20 sont sur sa liste noire.
Manque de garanties
Dans ce marché fluctuant, le manque de référencement des agences oblige les hospitaliers à se fier au bouche-à-oreille et à leur bon sens. Les sociétés dont le siège social est basé en Belgique, au Luxembourg ou en Roumanie sont considérées avec prudence. « Le point essentiel dans le cahier des charges est que le paiement n’intervienne que si un praticien est effectivement proposé puis recruté, tout en prévoyant une période d’essai de trois ou six mois », assure Florent Foucard, directeur de l'hôpital de Vierzon (Cher). Il fait état d'un bilan « contrasté » dans la qualité de son recrutement médical. Cette pratique du « success fee » (rémunération au résultat) est affichée par P&P Conseil, Fed et MC Medical comme un gage de sérieux. EMC Recrutement a réclamé à un hôpital 50 % à signature et le reste à la prise de fonction. L'affaire s'est soldée par un succès.
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