L’heure n’est certes pas à la polémique, mais les professionnels de santé libéraux haussent de nouveau le ton pour dénoncer la politique de rationnement instauré sur les masques, politique qui met selon eux en danger les soignants.
En tête du mécontentement : les biologistes médicaux. « Il est inimaginable de ne pas avoir de masques FFP2, car cela veut dire que nous n'avons aucune protection ! Il faut que cela se sache, on fait comme si les biologistes de ville n'existaient pas alors que l'on reçoit des milliers de patients par jour. J'ai des retours de biologistes qui sont furieux et je ne peux pas leur donner de réponse », gronde le Dr Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB). « Tout est donc contingenté. Une commande a été faite en Chine mais n'arrivera pas tout de suite. En attendant nous allons avoir une période de 15 jours dramatique car cela ne suffira pas. Nous faisons face à une pénurie à grande échelle », ajoute François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB). Sur les réseaux sociaux, le coprésident du BLOC, le Dr Philippe Cuq, a lui même interpellé Emmanuel Macron sur le sujet.
#EmmanuelMacron monsieur le Président nous avons besoin de masques chirurgicaux et FFP2 , de tenues de protection, de SHA, réquisitionner toutes les industries françaises pour cela, c’est une priorité nationale, les soignants vont mourir contaminés
— philippe CUQ (@philippeCUQ) March 19, 2020
Pour le SML, « ce qui est en train de s’opérer est l’organisation d’un rationnement pur et simple ». Mais pis encore, pour les spécialistes qui n'auront pas de masques FFP2, plus protecteurs, « cela risque de conduire ceux qui assurent des actes invasifs à se retirer à titre de précaution », avertit le Dr Philippe Vermesch, qui a déjà constaté dans son territoire la fermeture de plusieurs cabinets de spécialistes, faute de moyens de protection.
Ordre de priorité
Les critiques pleuvent depuis la publication de la doctrine de distribution des masques. Le gouvernement a programmé une répartition selon un ordre de priorité entre les soignants de ville. Les médecins généralistes, biologistes médicaux et infirmiers ont droit à 18 masques par semaine, chirurgicaux ou FFP2 « selon la disponibilité », dans toute la France, qu’ils exercent dans des zones d'exposition à risque ou non.
Les médecins spécialistes travaillant dans les « zones d'exposition à risque » peuvent également récupérer 18 masques. Idem pour les pharmaciens qui n’ont droit qu’aux masques chirurgicaux. Sur les autres zones du territoire national, sont considérés comme prioritaires selon les mêmes règles de distribution : « les médecins (généralistes ou autres spécialités particulièrement exposées), les infirmiers et les pharmaciens », peut-on lire sur le site DGS-urgent.
Pour le collectif de soignants C19, représenté par le Dr Philippe Naccache, urgentiste, le Dr Emmanuel Sarrazin, médecin à SOS médecins Tours, et le Dr Ludovic Toro, généraliste, maire de Coubron et conseiller régional, c'est la gestion même de la crise du gouvernement qui est remise en cause. Dans un communiqué, ils indiquent avoir saisi la justice contre Édouard Philippe, premier ministre, et Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, pour « négligence coupable » et manque d’anticipation d’une crise dont ils savaient manifestement la gravité, et qu’ils ne pouvaient, en tout état de cause, ignorer. « Les soignants sont en danger grave, et la population française avec eux, ce qui aurait pu être évité si les bonnes décisions avaient été prises à temps », indique l'avocat du collectif, Me Fabrice Di Vizio.
Stocks d'État pas indispensable
Interpellé aujourd’hui par plusieurs députés sur la pénurie de masques, Édouard Philippe a tenu à rappeler que le gouvernement a agi vite en nationalisant la production. « Cela porte à un stock de 100 millions de masques. Nous avons fait en sorte que cette ressource rare soit bien utilisée et que les sources d'approvisionnement nationales et internationales soient garanties », dit-il. Le ministre de la Santé Olivier Véran a indiqué que jusqu’en 2013, « il y avait jusqu’à un milliard de stocks de masques d’État ». « Puis il a été décidé que ce milliard de stocks de masques n’était plus indispensable tant les capacités de production mondiale de masques étaient intenses, particulièrement en Asie ».
Pénurie de masques : "En 2013, il a été décidé que le milliard de stock d'Etat n'était plus indispensable", souligne @olivierveran avant de détailler la répartition des masques entre les différents secteurs professionnels de santé. #DirectAN #QAG pic.twitter.com/Uv5KaHGtNn
— LCP (@LCP) March 19, 2020
Le ministre a aussi mentionné les innombrables commandes passées dans le monde entier pour importer du matériel de protection. « Il n’y a aucun enjeu financier derrière cela », affirme-t-il. Pour faire face à l'urgence, la solidarité nationale joue. Le ministère des Armées vient ainsi d'annoncer ce mercredi la livraison de cinq millions de masques chirurgicaux.
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