La santé continue de s'inviter dans la campagne présidentielle.
Après la polémique lancée par François Fillon sur la nécessité de recentrer l'assurance-maladie obligatoire sur les risques lourds (le champion de la droite a ensuite rétropédalé), après l'offensive de Manuel Valls pour supprimer le secteur II, la question des remèdes contre les déserts médicaux fait partie des sujets forts de la primaire à gauche, alors que le premier débat télévisé est programmé ce soir à 21 heures sur TF1 autour des questions économiques et sociales.
Impuissance
Faut-il un traitement de choc pour mieux répartir les médecins ? La gauche apparaît en réalité divisée sur les solutions. Mais pour la grande majorité des candidats, les politiques incitatives actuelles ne suffisent plus.
Le favori actuel des sondages Manuel Valls a mis le feu aux poudres en proposant de revoir les règles du jeu. « Au vu des difficultés actuelles, nous n'avons plus d'autre choix que de limiter la liberté d'installation, a-t-il lancé dans les colonnes du Parisien. Je ne suis pas favorable à une santé administrée mais face à une forme d'impuissance, il faut avancer. » L'ex Premier ministre a sensiblement durci son discours, lui qui préconisait le dialogue avec la profession lors de la grande conférence de santé, il y a moins d'un an. Il prévoit aussi de supprimer le numerus clausus et plaide pour une réforme des études médicales et des modes de rémunération afin de répondre aux aspirations des jeunes professionnels. Ce changement de posture est perçu comme un moment de « démagogie politique poussée à l'extrême » par le Dr Claude Leicher, président de MG France.
D'autres prétendants à l'Élysée réclament un tour de vis. Constatant que les difficultés d'accès aux soins « s'aggravent », Benoît Hamon souhaite que le conventionnement des nouveaux médecins soit conditionné à l'installation dans une zone qui n'est pas déjà surdotée.
Afin de garantir une offre de soins dans les zones fragiles, François de Rugy, candidat écologiste, fait une proposition étonnante : créer un « master médical ouvert aux professionnels de santé ayant au moins dix ans d’expérience ». Les diplômés seraient obligés de s’installer dans des zones où des médecins partis à la retraite n'ont pas été remplacés.
Dispensaires 24H/24H
Pour beaucoup, la refonte des modes de rémunération serait susceptible de changer la donne, le paiement à l'acte ayant montré ses limites. Arnaud Montebourg propose de « salarier des médecins » si nécessaire et souhaite que « la Sécurité sociale crée des dispensaires publics du XXIe siècle en complément des maisons de santé déjà existantes lorsque les délais de prise en charge des patients sont trop longs. » Dans la même veine, Jean-Luc Bennahmias est favorable à ce que des « dispensaires » soient ouverts 24 heures sur 24 dans les grandes agglomérations pour traiter les problèmes de la vie courante qui ne sont pas des urgences vitales.
Vincent Peillon – avec Sylvia Pinel – est un des rares à se prononcer en faveur de la politique incitative, dans la droite ligne du quinquennat Hollande. « Nous n'obtiendrons pas de résultat en utilisant des mesures autoritaires, a-t-il confié au Quotidien. La coercition creuserait la défiance entre les médecins et les pouvoirs publics. » Le député européen veut plutôt faciliter le cumul emploi/retraite des praticiens en fin d'exercice et inciter les médecins remplaçants à exercer en zone déficitaire (en leur accordant une réduction de charges et un abattement de l'impôt sur le revenu).
Généralistes fonctionnaires ?
La démographie médicale déclinante inspire les autres candidats, en dehors de la primaire à gauche. En déplacement à Nevers, Emmanuel Macron a affiché son ambition de « doubler » le nombre de maisons de santé avant 2022 – un millier serait déjà en fonction selon la Fédération française des maisons et pôles de santé. Pour désengorger l'hôpital et les urgences, l'ancien ministre de l'Économie propose la création de « maisons de répit » et de « centres de soins de suivi ».
Jean-Luc Mélenchon entend pour sa part multiplier sur le territoire les centres de santé pratiquant le tiers payant intégral, « abolir » les dépassements d'honoraires et « créer un corps de médecins généralistes fonctionnaires rémunérés pendant leurs études afin de pallier l'insuffisance de médecins dans certaines zones ».
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