« Au départ, en 2012, j’étais plutôt sceptique, reconnaît le Dr Jehan Lecocq, médecin du sport aux hôpitaux de Strasbourg. Selon nos protocoles, explique l’ancien président de la SFMES (Société française de médecine de l’exercice et du sport), nous conditionnons la prise en charge à une évaluation rigoureuse et à des examens physiologiques complets, avant d’orienter le patient vers une APS qui lui soit adaptée. Or, telle n’est pas du tout l’option retenue par la ville de Strasbourg, qui a choisi la simplicité pour lancer le dispositif "sport-santé sur ordonnance (SSSO)". »
« Nous avons fait le choix de mobiliser les généralistes sur un concept qui ne nécessite aucun préalable en termes de formation, confirme le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de la capitale européenne : les médecins traitants rédigent simplement une ordonnance pour une activité physique régulière et adaptée, sans en préciser la nature. Ces patients chroniques, atteints d’obésité (IMC au-dessus de 30), de diabète de type 2, d’une maladie cardiovasculaire stabilisée, d’une HTA, ou en rémission après un cancer du sein ou du colon, se rendent ensuite à un centre municipal où un professionnel de l’APS va leur faire passer un bilan de sédentarité pour les orienter vers une association labellisée Jeunesse et Sports. Vélo, aquagym, basket santé, gym santé, le panel d’activité physique est vaste pour offrir un choix personnalisé. Et l’équipe des quatre éducateurs sportifs de la ville assure un suivi trimestriel, avec transmission au médecin traitant. »
Le tandem médecin généraliste-éducateur sportif.
La ville et ses divers partenaires, l’ARS (agence régionale de santé), la caisse locale d’assurance-maladie, la DDJSCS (Direction départementale jeunesse, sports et cohésion sociale), gèrent cette APS sur ordonnance comme un élément intégré dans le parcours de soins, à partir du tandem formé par le médecin traitant et l’éducateur sportif. En près de trois ans, ce sont plus de 1 200 patients qui en ont bénéficié. Beaucoup, issus de milieux défavorisés, n’avaient pas d’accès au sport. 70 % d’entre eux ne savaient pas nager, ni faire de vélo, souligne le Dr Feltz, qui insiste sur l’aspect social du dispositif, les ALD étant souvent corrélées à des situations de précarité et de vie quotidienne difficile. Moyennant un budget municipal de 250 000 euros, l’APS prescrite est gratuite la première, puis facturée de 20 à 100 euros les deux années suivantes, selon les revenus du patient.
Plus de 180 médecins traitants, soit la moitié des généralistes strasbourgeois ont rejoint le SSSO. Ils l’ont validé dans leur pratique, juge l’adjoint aux sports, lui-même généraliste. « C’est une réussite indéniable en termes d’amélioration de la qualité de vie, constate le Dr Lecocq, qui coordonne la manœuvre. Les médecins traitants apprécient l’équilibre gagné par leurs malades chroniques. Cette démarche a minima a fait l’objet de plusieurs évaluations, avec plusieurs thèses de médecine générale portant sur des cohortes d’une centaine de patients. Leurs scores au questionnaire généraliste « SF 36 » [score de qualité de vie, NDLR] sont nettement améliorés avec une ou deux séances hebdomadaires. »
Malgré quelques réserves émises par certains spécialistes, en particulier des cancérologues, l’expérience strasbourgeoise fait déjà école, avec un réseau d’une trentaine de villes sport santé sur ordonnance, dans le cadre du groupe des villes-santé de l’OMS. Un groupe national de travail s’est constitué. Les premières assises européennes du sport santé sur ordonnance se sont tenues à Strasbourg le mois dernier. « La révolution douce du sport sur ordonnance a commencé et elle va gagner toute l’Europe », pronostique le Dr Lecocq.
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