Le gouvernement a adressé des signaux contradictoires au secteur de la santé, lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, le premier du quinquennat Macron.
Un extrême volontarisme budgétaire est affiché. Dans l'optique d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux en 2020, Bercy et le ministère de la Santé ont programmé un déficit de la Sécu limité à 2,2 milliards d'euros (régime général+FSV) l'an prochain. Le gouvernement table sur un redressement spectaculaire de la branche maladie (la seule dans le rouge…), avec une impasse de 800 millions d'euros en 2018, meilleur solde depuis 2001. Mais atteindre ce résultat relèverait d'une forme de prouesse (ou d'un tour de passe-passe) car, selon la commission des comptes de la Sécu, le déficit de l'assurance-maladie dérapera à 8 milliards d'euros sans mesures correctrices…
Pour parvenir à ses fins, le gouvernement prévoit donc un programme d'économies massives pour la branche maladie (tableau ci-contre), à hauteur de plus de 4 milliards d'euros. Il s'agit d'un « PLFSS de responsabilité », a résumé Agnès Buzyn.
L'industrie du médicament sera le premier contributeur à hauteur d'1,5 milliard d'euros (baisses de prix des médicaments et des dispositifs médicaux, promotion des génériques, biosimilaires, remises…). Les établissements de santé et médico-sociaux sont également fortement sollicités, bien au-delà du milliard d'euros (performance interne, optimisation des achats, liste en sus…). Le LEEM, au nom de l'industrie pharmaceutique, et la FHF, porte-voix des hôpitaux publics, ont tous deux souligné à quel point ce budget mettait ces secteurs à rude épreuve.
Les médecins libéraux, de leur côté, sont invités à poursuivre la maîtrise médicalisée et à rationaliser leurs prescriptions (transports, IJ). Nouveauté en forme de menace : ce PLFSS permettra à la CNAM de renforcer son contrôle de la pertinence des actes et des prescriptions « comme la mise sous objectifs ou sous accord préalable qui seront étendues à toutes les professions prescriptrices ». Surtout, de nouvelles décotes tarifaires sont annoncées en biologie et en imagerie mais aussi sur « d'autres actes médicaux en ville et à l'hôpital » (225 millions d'euros).
Coup de pouce aux soins de ville
Malgré cette contrainte forte, les libéraux de santé peuvent s'estimer un peu mieux lotis. De fait, dans le cadre de l'ONDAM général fixé à 2,3 % (195 milliards d'euros), les soins de ville disposent d'un coup de pouce (2,4 %). S'il est jugé insuffisant par la profession, ce taux est en tout cas supérieur à celui de l'hôpital (+2,2 % en intégrant la hausse du forfait hospitalier à 20 euros). L'enveloppe permettra de financer les revalorisations d'honoraires prévues dans la convention médicale de 2016 et « de prendre mieux en compte les actes complexes ou réalisés en urgence », a déjà assuré Agnès Buzyn.
Du côté des réformes de structure, qui s'amorcent, la ministre de la Santé officialise la création d'un fonds innovation (voir ci-dessous) doté de 30 millions d'euros en 2018 pour financer les expérimentations de rémunération au forfait ou au parcours de soins permettant « de dépasser les clivages ville hôpital ». Le gouvernement confirme aussi le soutien aux maisons et centres de santé avec 400 millions d'euros sur la durée du quinquennat. Qualifiée de pratique marginale, la télémédecine devrait enfin quitter son cadre expérimental (à l'exception de la télésurveillance), les partenaires conventionnels devant déterminer le cadre pérenne et la tarification des actes de téléconsultation et de téléexpertise.
Une nomenclature plus dynamique
Afin de moderniser les pratiques en continu, l'inscription des actes au remboursement sera accélérée (le délai moyen est de trois ans). « Si les commissions de hiérarchisation ne se sont pas prononcées dans un délai d'un an après l'avis scientifique rendu sur un nouvel acte par la HAS, l'assurance-maladie pourra procéder à son inscription », est-il promis. Cette mesure concernera aussi l’inscription au remboursement et la tarification des actes réalisés en équipe par des libéraux.
Ce PLFSS confirme aussi l'investissement en faveur de la transition numérique dans les hôpitaux (100 millions dès 2018) pour développer de nouveaux services aux patients, renforcer les liens ville/hôpital ou moderniser le système d'information des SAMU.
Au nom des cliniques enfin, la FHP salue quelques bonnes nouvelles dont l'abrogation de la dégressivité tarifaire – déjà annoncée – et la prolongation de deux années de la période transitoire pour la réforme du financement SSR. En revanche, la FHP dénonce le transfert des frais de transport sanitaire interétablissements qui sera demain à la charge de ces derniers. Le chaud et le froid toujours…
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