LE POLE SANTÉ démarre très fort. Son centre d’écoute a enregistré une moyenne mensuelle de 500 appels (dont un quart à la suite d’infections nosocomiales), contre 150 enregistrés par la précédente structure, la MIDISS (Mission pour le développement de la médiation, de l’information et du dialogue pour la sécurité des soins), intégrée dans la HAS (Haute Autorité de santé). C’est l’effet « Médiateur » : plus forte médiatisation, ouverture aux doléances concernant les médecins libéraux et pouvoirs augmentés : injonction pour obtenir la remise d’un dossier médical, moyens de contrôle et d’inspection (« le Quotidien » du12 janvier).
À la manuvre, sous la présidence de l’emblématique Alain-Michel Ceretti, fondateur du LIEN, le directeur, Loïc Ricour et le coordinateur de l’information médicale, le Dr Bruno Landi, encadrent une équipe de six consultants (urgentiste, anesthésiste-réanimateur, spécialiste de vigilance sanitaire, généraliste, chirurgien et infirmière), renforcés par une trentaine d’experts pour couvrir toutes les spécialités. Ancien de la MIDISS depuis sa création en 2006, le Dr Landi, ex-PH infectiologue, a « toujours travaillé dans une démarche d’attention aux victimes, explique-t-il, avec ses patients VIH-sida. Cela m’a sans doute facilité mon passage de l’autre côté du miroir. » Car dans sa pratique d’écoute quotidienne, le coordinateur médical se consacre surtout à l’écoute des patients et à l’analyse, parfois complexe, de leurs cas. Quelques-unes sont édifiants.
- Une mère en colère
Mme L., 30 ans, infirmière, est très en colère. Elle a remarqué que son bébé d’un mois présentait un gros testicule violet. À onze heures du soir, elle l’a conduit à la clinique voisine où l’urgentiste, après un examen de quatre minutes, faisant juste déshabiller le bébé, l’a renvoyé en posant un diagnostic d’hydrocèle. Néanmoins toujours inquiète, la maman décide d’aller consulter au plus proche CH, où, après plusieurs heures d’attente, le transfert vers le service pédiatrique du CHU est décidé pour une intervention en urgence sur une hernie inguino-scrotale. Le bébé sera sauvé, mais pas le testicule. « En fait, après analyse du dossier, explique le Dr Landi, nous avons compris que cette mère éprouvait un fort sentiment de culpabilité. Nous lui avons démontré à quel point elle avait été co-active du sauvetage de son enfant. Et sa colère s’est apaisée. »
- Une information vitale négligée
M. H., âgé, avec des antécédents cardiaques et une prothèse valvaire mécanique, est admis en chirurgie après une chute sur la hanche ; il est transféré en réanimation pour une infection fébrile, des hémocultures sont pratiquées. Il quitte l’établissement mais doit être à nouveau admis six semaines plus tard pour une endocardite, dont il finira par décéder un mois et demi plus tard. « En demandant le dossier, j’ai découvert que les hémocultures s’étaient révélées positives à entérocoque, mais que, bien que les compte-rendus aient été signés et contresignés, personne n’en avait tenu compte. Dans ce type de cas, nous rencontrons la famille qui est évidemment bouillonnante. Et nous étudions avec les établissements les circuits de circulation de l’information entre le laboratoire et les services pour éviter qu’un tel dysfonctionnement ne puisse se renouveler. »
- Une équipe réticente
M. R., 43 ans, au RMI, se plaint d’une incontinence sphinctérienne à la suite d’une intervention sur la colonne vertébrale. « L’équipe fait tout pour entraver notre recherche sur dossier, mais en dépit de ses tentatives pour noyer le poisson, nous finissons par suspecter un syndrome de la queue-de-cheval que confirmera l’électromyogramme des sphincters que nous avons réclamé. Dans ce cas, la mise en lumière de l’événement indésirable aura nécessité une réelle opiniâtreté de notre part. Nous ne lâchons pas prise. »
- Deux patients confondus
« Dans bien des situations, observe Loïc Ricour, les familles nous appellent sous le coup d’une intense émotion et il nous faut déployer beaucoup d’efforts pour décrypter les événements. Par exemple, dans une affaire où il y avait eu erreur sur l’identité d’un patient Alzheimer confondu avec un autre, une annonce de décès erronée avait été transmise à la famille. Celle-ci voulait médiatiser le dossier et pensait que c’était toute la procédure de prise en charge qui avait été entachée d’erreur. Or, notre enquête auprès de l’établissement a identifié le dysfonctionnement à un maillon précis, ce n’était pas toute la chaîne qui avait pâti. Ce retour d’expérience a rasséréné la famille. Il nous a permis aussi d’étudier les actions avec les services pour éviter la réédition du problème. »
Le Dr Landi ne parle jamais d’erreur ou de faute. « J’évite tout vocabulaire qui aurait une portée juridique. Je préfère évoquer des retards, ou des insuffisances de traitement. » Pour déminer, il avance inlassablement avec ses deux armes : « L’écoute des patients, qui ont surtout un besoin de reconnaissance. Et la pédagogie, pour leur expliquer simplement tout ce qui ne l’a pas été. Quelques mots du médecin, souvent, évitent de déraper vers un contentieux. »
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