Alors que 800 000 contrôles ont été réalisés en 2016 par la Sécu pour vérifier la compatibilité d'un arrêt de travail avec l'état de santé, de plus en plus d'employeurs font eux aussi la traque aux indemnités journalières (IJ) injustifiées. Pour réduire l'absentéisme, elles font appel à des sociétés de contre-visites médicales, qui font le lien avec des médecins – généralistes pour la plupart – pour réaliser ces visites de contrôle.
Parmi ces sociétés, Prevantis, dernière sur le marché, est spécialisée dans l'accompagnement d'entreprises. Sa plateforme en ligne, ouverte depuis le 3 octobre, compte une cinquantaine de médecins inscrits dans sa base de données. « Les entreprises nous déposent leurs appels d'offres, que les médecins reçoivent, et en retour ils proposent leur annonce », détaille Olivier Garand, directeur associé chez Prevantis.
Il existe deux types de contre-visites médicales. « Il y a celles à domicile pour les salariés du secteur privé, et celles au cabinet du médecin, pour les employés du secteur public », indique Bruno Pernet, directeur des services médicaux de Securex, l'un des leaders de la contre-visite médicale qui en réalise 3 000 à 3 500 par mois.
Dans le cas d'une visite à domicile, le médecin mandaté se rend chez le patient aux heures où il est censé être présent – généralement de 9 heures à 11 heures et de 14 à 16 heures. Il a obligation de dire qu'il est adressé par l'employeur. Il vérifie l'ordonnance du médecin traitant, les examens, les prescriptions médicamenteuses, et peut réaliser un examen clinique. Il définit ensuite si l'arrêt est « médicalement justifié » ou pas. Le praticien peut aussi constater l'absence du salarié ou un défaut d'adresse. Il envoie ses conclusions à l'entreprise mandataire et au service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance-maladie.
Un arrêt sur dix injustifié
Si certaines sociétés de contre-visites assurent « doubler leur activité en période de vacances » comme à Noël ou en été, en pratique, les médecins contrôleurs constatent peu d'abus. « Dans 90 % des cas, les personnes que je contrôle sont dans les clous », assure le Dr Jean-Michel Taudin, médecin généraliste en Corrèze qui pratique ces contrôles depuis trois ans. Le Dr Jean-Yves Ollivier, généraliste niçois qui travaille notamment pour Securex, note de son côté une absence du salarié à son domicile « une fois sur cinq ou six ».
Si elle monte en puissance, la pratique de la contre-visite peut être mal vue de la part des confrères, qui y voient parfois un droit de regard sur la pratique du médecin traitant, ou même un « flicage » du salarié. Contacté par le « Quotidien », l'Ordre national des médecins rappelle « qu'il n’entre pas dans les missions du médecin contrôleur de se prononcer sur l'absence du patient lors du contrôle, mais uniquement de consigner les circonstances qui l’ont rendu impossible ». Il invite aussi les médecins contrôleurs à entrer en contact avec le médecin traitant, « en cas de conclusions contraires aux siennes, de préférence avant la communication au patient ».
« En tant que médecin qui n'a aucune relation, ni avec le patient, ni avec l'employeur, je peux donner un avis médical permettant de supprimer toute suspicion de la part de l'employeur sur un éventuel "laxisme" du médecin traitant », justifie le Dr Galbrun, par ailleurs membre du conseil départemental de l'Ordre de Seine-et-Marne.
Rendre service à la société
Les médecins justifient la contre-visite en raison du coût croissant des indemnités journalières, qui sont versées à la fois par l'assurance-maladie – 9 milliards d'euros en 2015 – et l'employeur pour un salarié du privé. « Je pense rendre service à la Sécurité sociale et à la société, ces contre-visites sont indispensables pour éviter les abus, juge ainsi le Dr Ollivier, 73 ans. Je sais, par expérience, qu'il est impossible de refuser un arrêt à un patient qui l'exige, même pour des motifs discutables. Par exemple il y a un nombre important d'arrêts relatifs à un conflit entre un supérieur et un salarié, qui se considère alors en dépression ».
Rien que pour la part des IJ versées par la Sécu, l'assurance-maladie se fixe un objectif de 100 millions d'euros d'économies pour 2018 (le gouvernement en espère même 165 millions). L'objectif semble compliqué : en 2016 déjà, sur 100 millions d'euros d'économies programmés, le quart seulement avait été réalisé…
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