Après 27 ans d’activité à Agnetz, dans l’Oise, le Dr Marc Maury a franchi le pas et dit adieu à l’exercice libéral. Le généraliste a choisi d’embrasser une nouvelle carrière, à Excideuil, en Dordogne, à plus de 500 km de là. Depuis le 2 septembre, il est médecin coordonnateur dans un centre départemental de santé, avec le statut de contractuel salarié.
À l’âge de 59 ans, le Dr Maury vit cette expérience comme un véritable renouveau professionnel. Il s’est confié au « Quotidien ».
« LE QUOTIDIEN » - Pourquoi renoncer au libéral après avoir consacré l’essentiel de votre carrière à ce mode d’exercice ?
Dr MARC MAURY - Parce que mes conditions de travail devenaient de plus en plus difficiles. La pression de la patientèle, les semaines de près de 60 heures, la paperasserie qui rogne le temps médical… Je ne me voyais pas tenir ce rythme encore très longtemps. Quand on est jeune, on se sent invulnérable. Mais à près de 60 ans, on fatigue quand même ! J’avais l’impression d’avoir un pied dans le vide… J’étais aux limites de ce que je pouvais absorber. Il fallait que je fasse quelque chose. Il y a eu cette opportunité il y a un peu plus d’un an. Un centre de santé qui allait s’ouvrir en Dordogne, où je passe mes vacances et où je projetais de prendre ma retraite. J’ai franchi le pas. Je ne voulais pas finir désabusé et dégoûté du libéral.
Et maintenant, à quoi ressemble votre pratique ?
J’ai l’impression de revivre ! Je redécouvre mon métier sans les contraintes du libéral, sans les tâches administratives, les problèmes avec l’URSSAF, la caisse… Je suis aux 35 heures, j’ai même des congés payés ! [rires] Une voiture de fonction pour faire les visites à domicile, une secrétaire médicale, un cabinet neuf de 30 mètres carrés… J’ai l’impression de revenir 30 ans en arrière. Je suis plus serein, plus posé, je peux consacrer du temps aux patients. Quel que soit le mode d’exercice, c’est pour cela qu’on fait ce métier, être à l’écoute des patients. En tant que médecin coordonnateur, j’apprécie aussi d’avoir des tâches plus diversifiées et de travailler en équipe.
Financièrement, êtes-vous perdant ?
Je gagne presque 6 000 euros nets par mois. Comparativement au temps passé à l’époque où j’étais en libéral, je ne suis pas perdant. Et puis, je suis en fin de carrière, je n’ai plus d’enfants à charge, le contexte n’est plus le même.
Il y a 27 ans, vous aviez opté pour l’exercice libéral. Si c’était à refaire ?
Quand j’ai débuté, ça ne me serait pas venu à l’idée d’être salarié. J’ai aimé le libéral. Je peux même dire que j’ai été un libéral à tous crins. Mais les conditions d’exercice ont évolué. Aujourd’hui, si je devais faire un choix, je pense que j’opterais pour le salariat et le travail en équipe. C’est ce que je recommanderais aux jeunes en tout cas. Avec le recul, je me rends compte des sacrifices que j’ai faits. Je n’ai pas vu grandir mes enfants par exemple.
Vous n’avez donc aucun regret ?
Je n’ai aucun regret professionnel. Sauf celui d’avoir quitté mes confrères et ma patientèle qui était adorable. Heureusement, j’ai gardé beaucoup de contacts avec eux. Lorsque je suis parti, mes patients m’ont fait une fête, ils m’ont offert des cadeaux ! Ils comprenaient ma démarche. Quant à mes confrères, certains m’ont avoué qu’ils auraient bien suivi ma voie s’ils avaient été plus jeunes. Ils aiment leur métier mais ils sont pour la plupart usés par les conditions de travail.
Comment voyez-vous votre avenir ?
J’ai un contrat de 3 ans, renouvelable. Après, on verra. J’aurai 65 ans. Je ferai peut-être des vacations. Je ne conçois pas du tout d’arrêter de travailler, sauf si j’ai des problèmes de santé. Tant que je pourrai voir des patients, je continuerai !
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