Révoltés, épuisés, incompris, découragés… les médecins de Blangy-sur-Presle, en Seine-Maritime, sont sur le point de jeter l’éponge. Le 30 septembre prochain, ils pourraient tout bonnement fermer leur cabinet médical si aucun confrère ne venait en renfort et si l’appel à l’aide lancé auprès de la mairie restait lettre morte.
Il y a quelques mois encore, le cabinet tournait avec 5 généralistes. Après le départ imminent de deux d’entre eux, ils ne seront plus que trois, dont deux praticiens retraités exerçant à temps partiel, pour assurer la prise en charge de près de 8 000 patients du village et des environs. Une charge de travail impossible à tenir pour le Dr Pierre Loin, qui a déjà prolongé son activité de deux ans.
« Cela représente 40 000 actes par an. Il faudrait être au moins deux médecins pour supplémentaires pour bien faire », explique-t-il au « Quotidien ». Il précise que lui et ses confrères ont multiplié les démarches depuis plusieurs mois pour faire venir des généralistes... sans succès.
Des charges trop importantes
Le départ de plusieurs praticiens met également en péril l’équilibre financier du cabinet. Avec deux secrétaires à temps plein, les charges (110 000 à 120 000 euros par an) deviennent trop importantes pour les professionnels en place. Sans solution, ils ont demandé l’aide de la mairie. « On est prêt à faire un effort de notre côté pour maintenir l’activité, mais on ne peut pas tout financer, on a besoin d’être soutenu », justifie le Dr Olivier Duprez, 55 ans.
Pour le médecin, un coup de pouce financier de la mairie serait surtout un atout pour faire venir des confrères, qui pourraient être rebutés par le montant des charges. « Dans d’autres communes confrontées au problème de la désertification, c'est ce qui se fait, soit à travers des aides financières, soit en payant le loyer du cabinet, soit en prenant en charge une secrétaire. Tout le monde doit se mobiliser pour faire venir des médecins », poursuit le Dr Duprez.
Refus catégorique du maire
Contacté par « le Quotidien », le maire de la commune, Éric Arnoux, rappelle qu’il a déjà fait un effort en prenant en charge le loyer du cabinet médical, propriété de la mairie. Mais il explique qu’il ne peut pas aller plus loin. « Les questions de santé relèvent aujourd’hui de la compétence de la communauté de communes », justifie-t-il. Une manière de botter en touche ? « Non pas du tout. C’est une question de légalité. Et puis, à titre personnel, cela me heurte », répond-il.
Éric Arnoux pointe du doigt la gestion du cabinet médical : « Je comprends le désarroi des médecins. Mais ce n’est pas à la commune de payer. C’est aux professionnels d’adapter leurs charges. Ils exercent à trois [l'équivalent de deux temps pleins, NDLR] et ils ont deux secrétaires… »
Pour le maire, une aide financière permettrait de maintenir l’activité du cabinet, mais pas de faire venir des médecins. La construction, d'ici à 18 mois, d'une maison médicale sur la commune complique encore l'affaire. « Est-ce que je dois trouver des médecins pour la population ou pour faire baisser les charges d’un cabinet médical. Qu’est-ce que je devrais dire à un médecin qui veut s’installer chez nous mais exercer en solitaire ? », argumente l’élu. La commune aurait engagé des actions et serait en discussion avec un cabinet de recrutement pour trouver des candidats.
L’affaire laisse un goût amer aux médecins du village. « On se sent totalement abandonnés. On nous reproche d’être des nantis… On demande juste du soutien. Moi cela fait deux ans que je devrais être à la retraite et que je continue pour mes patients », confie, désabusé, le Dr Loin.
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