Aujourd’hui, toutes les informations médicales sont disponibles sur Internet. Plus besoin d’aller consulter une encyclopédie ou un dictionnaire médical. Les internautes ont définitivement investi le cabinet médical. La plupart de ces patients connectés et mobiles se documentent sur le Net pour calmer leur anxiété. D’autres consultent après avoir établi eux-mêmes, à l’aide des informations puisées sur la Toile, un premier diagnostic qu’ils voudront ensuite confronter avec celui de leur médecin. Fort heureusement, ces derniers, de l’avis même d’un praticien, ne sont pas légion.
Au début de l’ère du numérique, les professionnels de santé se trouvaient agacés d’avoir à examiner des patients « hyperdocumentés », l’interprétant comme une contestation de leur savoir. Mais, ils sont aujourd’hui de moins en moins nombreux à en prendre ombrage, « probablement parce qu’ils vont eux-mêmes chercher de l’information sur Internet, pour parfaire leurs connaissances dans des domaines médicaux ou extramédicaux », remarque le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), délégué général aux systèmes d’information en santé.
Un accompagnement réciproque sur Internet
Il arrive aussi que des patients, après la consultation, cherchent à se documenter sur Internet. Préoccupés par l’annonce de leur maladie, ils auront, en effet, perdu tout sens critique dans le cabinet, n’ayant pas tout compris ou retenu de la conversation même si leur généraliste s’était montré clair.
« Le médecin peut alors accompagner le patient en lui prescrivant de l’information, en l’orientant. Il s’agira de l’inciter à aller se documenter sur Internet, pour en discuter ensemble à la consultation suivante. En outre, si le praticien possède lui-même un site, il pourra recommander au patient d’aller le consulter pour y trouver des informations complémentaires, précise le Dr Lucas. Il m’est arrivé, en tant que cardiologue, de conseiller cette démarche à mes patients qui allaient être opérés du cœur, pour un changement de valve aortique par exemple. J’avais beau leur expliquer clairement les modalités de l’opération et leur demander de reformuler ce que je venais de leur expliquer, ils me posaient souvent la question : mais alors, est-ce que c’est grave docteur ? »
D’ailleurs, cet accompagnement peut se révéler réciproque. À l’heure du Web 2.0, le médecin a peut-être aussi à apprendre de ses patients. « Certains d’entre eux me faisaient remarquer qu’ils avaient trouvé des informations très intéressantes sur un site, que j’ai pu aller consulter par la suite et qui m’a semblé en effet très pertinent », se rappelle le Dr Lucas.
Délivrer une information à son patient
Quelle que soit sa réserve, le rôle du médecin consistera à accompagner son patient, internaute ou pas. Selon le code de déontologie, le médecin doit délivrer une information, claire, loyale et appropriée (1). Et celle-ci peut être diffusée selon différents canaux, comme le Web. « Pour les confrères les plus réticents, je soulignerai qu’il en va de leur responsabilité en matière d’information, car son absence est constamment sanctionnée par les juridictions du droit commun, et pas uniquement les juridictions ordinales », ajoute Jacques Lucas.
Si un médecin prête son concours à un réseau communautaire, il importera, par ailleurs, qu’un contrat en bonne et due forme ait pu être établi (2). Les conseils prodigués ne devront pas non plus se transformer en consultation sauvage.
Des acteurs de santé en première ligne
Autre accompagnement possible : conseiller une application lors de la consultation. « Environ 8 % des médecins mobinautes recommandent une application santé à leurs patients », selon le baromètre des « Usages numériques en santé ». Une proportion confirmée par l’association Isidore qui précise que 9 % des professionnels de santé ont téléchargé une application de patient pour pouvoir le conseiller, 25 % pour savoir ce qu’elle contenait, et plus de 60 % ne l’ont jamais fait ou l’ont fait par erreur ! Uniquement 2 % des professionnels de santé ont téléchargé une application de relation médecin-patients et seulement 1 % l’utilise. D’où la mise en garde sur les risques d’une fracture digitale entre les professionnels de santé et les patients, selon le Livre blanc « De la e-santé à la santé connectée – 2015 » du Conseil national de l’Ordre des médecins (3).
Professionnels de santé et établissements de soins sont eux-mêmes sensibles à l’intérêt que peuvent présenter les applications santé, au point de les inventer. Outre l’exemple, le plus médiatisé, du système Diabeo, imaginé il y a plus de dix ans dans le cadre d’une collaboration entre diabétologues (le Dr Guillaume Charpentier en tête) et ingénieurs, de nombreuses innovations sont nées de besoins observés en établissements ou par les professionnels de santé, et continuent à se multiplier.
Christine Colmont
Références
(1) Livre blanc de la déontologie médicale sur le Web, Ordre des médecins.
À consulter sur le site : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/livre-blanc-deontologie-medicale-sur-le-web-1153
(2) Voir sur le site du CNOM pour trouver des exemples : http://www.conseil-national.medecin.fr/groupe/33/tous
(3) Livre blanc : De la e-santé à la santé connectée – 2015 du Conseil national de l’Ordre des médecins, Ordre national des médecins, Conseil national de l’Ordre.
À consulter sur le site : http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cn_pdf/janvier2015/master/sources/index.htm
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