C'est le paradoxe du plan systémique vendu par l'Élysée sous le slogan inclusif « Ma Santé 2022 ». Cette fois, point de grande loi fourre-tout vouée à hériter du nom du locataire de Ségur (Bachelot à droite, Touraine à gauche) mais une bonne cinquantaine de mesures (législatives dès 2019, réglementaires, contractuelles, conventionnelles, statutaires) qui, si elles se concrétisent, devraient reconfigurer durablement le système de santé français à l'horizon du quinquennat.
« Plus qu'un énième plan [...], je veux que nous garantissions aux générations futures le droit absolu et universel d'accéder aux soins les meilleurs », s'enthousiasme le chef de l'État qui veut s'inscrire dans l'histoire des pères fondateurs.
Du technique et du lourd
Qu'on en juge. Le menu programmé prévoit une réforme globale des études de santé (dont la suppression confirmée du numerus clausus et de la PACES dès 2020) ; un nouveau maillage des soins (autour de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS – et de 600 hôpitaux de proximité ainsi labellisés et ouverts sur la ville) ; la construction méthodique d'une médecine de parcours (référentiels, indicateurs, rémunération) ; 4 000 assistants médicaux pour épauler les praticiens libéraux (généralistes et spécialistes) regroupés ; les premières briques d'une réforme des financements pour sortir de la course aux actes (forfaits par pathologie sur le diabète et l'insuffisance rénale, 300 millions d'euros de dotations à la qualité à l'hôpital) ; une reconnaissance accrue de la place des patients ; sans oublier un saut digital avec nouvel espace numérique de santé individuel, généralisation de la e-prescription et prises de rendez-vous en ligne.
Dans les murs de l'hôpital, la feuille de route entre dans le vif des carrières avec des mesures d'apparence technique mais attendues comme le statut unique de praticien hospitalier (associé à la suppression du concours, décidément…), le contrat unique pour l'emploi contractuel, des primes de coopération mais aussi la réhabilitation du service hospitalier ou encore le renforcement des commissions médicales d'établissement. Le plan réserve un volet particulier à la psychiatrie et la santé mentale, secteur en grande souffrance, mais en recyclant des mesures de la feuille de route déjà présentée en juin.
Surprise du chef, l'Élysée a ajouté in extremis une mesure d'application quasi immédiate : le salariat de 400 médecins généralistes par des centres hospitaliers de proximité ou des centres de santé implantés dans les déserts médicaux. Avec ce message : si la réorganisation territoriale échoue, des mesures contraignantes ne sont plus exclues à moyen terme…
Quelle adhésion ?
Ambitieuse, cette stratégie est un pari. Son succès dépendra en réalité de la mobilisation collective des acteurs libéraux et hospitaliers dans les territoires, en commençant par les 223 000 médecins. A cet égard, l'élaboration des projets de santé de territoire (ville/hôpital), sous la forme de contrats, aura valeur de test pour mettre en œuvre concrètement les services prioritaires (soins non programmés, accès garanti au médecin traitant et aux soins spécialisés).
Au-delà, la réorganisation des établissements qui se profile s'accompagnera inévitablement de reconversion de services et d'activités, de synergies et de révision des seuils d'activité qui constituent autant de bombes à retardement.
Conscient de ce défi, l'exécutif a mis un peu d'huile dans les rouages en annonçant – c'est la bonne surprise – un objectif national de dépenses maladie (ONDAM) relevé à 2,5% (soit 400 millions d'euros supplémentaires annuels). Le message est clair : cette stratégie ne cache pas une cure d'austérité pour la santé (de type plan Juppé) mais se veut un investissement d'avenir.
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