Méthode collaborative, diagnostics et premiers projets : sept mois jour pour jour après son lancement en octobre dernier, les ministres François Braun (Santé) et Agnès Firmin Le Bodo (Organisation territoriale et Professions de santé) ont dressé un état des lieux de l’avancement du Conseil national de la refondation en santé (CNR) et recyclé aussi plusieurs chantiers déjà annoncés…
État facilitateur
Plus de 250 réunions se sont déjà tenues dans les territoires et au moins « une centaine de projets » sont nés des concertations du CNR Santé, se félicite le ministère. Cette méthode de gouvernance partagée, moins verticale et qui fait appel à tous les acteurs concernés – hôpitaux, soins de ville, Ordres, patients, tutelles… –, a vocation à « être pérennisée » et à se « décliner dans l’ensemble des départements, voire à des bassins de vie », sous la forme de CNR territoriaux, affirme le ministère qui veut en finir avec l'« hypercentralisation et l'uniformité parfois excessive » des politiques publiques.
Au moins un CNR par département, donc : l’État, quant à lui, promet de jouer le rôle de facilitateur. Tel est le sens par exemple du nouveau « droit à dérogation » désormais reconnu aux ARS pour adapter les politiques de santé. Il ouvre la possibilité à un directeur d’ARS de sortir du cadre réglementaire lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins de santé prioritaires d’un territoire. Par ailleurs, 30 millions d’euros ont été ajoutés dès cette année – et pérennes – au Fonds d’intervention régional (Fir) pour permettre aux agences d’accompagner les projets innovants nés du CNR. Une « boîte à outils » sera instaurée pour diffuser les initiatives innovantes et prometteuses.
Certificats inutiles et soins non programmés
Avec la volonté réaffirmée de libérer du temps médical, le ministre a rappelé que les certificats inutiles – comme ceux permettant aux enfants de retourner à la crèche suite à une maladie ou de pratiquer certains sports – seront supprimés, tandis que les certificats de décès pourraient être réalisés par des infirmiers (une expérimentation est lancée à l'été). Au-delà, c'est un objectif de « zéro papier » dans les relations médecins/Sécu qui a été réaffirmé.
Côté soins non programmés, le CNR a confirmé la nécessité de généraliser les services d’accès aux soins (SAS) dans tous les départements d’ici à la fin de l’année. Pour embarquer un maximum de praticiens libéraux, aujourd'hui réticents, le règlement arbitral qui fait office de convention a pérennisé les rémunérations plus attractives pour les médecins régulateurs (montant horaire de 100 euros) et les effecteurs (majoration de consultation de 15 euros en cas de prise en charge d'un patient hors patientèle dans les 48 heures qui suivent l'adressage par un SAS hors PDS-A). Une vingtaine de départements ont un SAS opérationnel. Un Tour de France a débuté pour repérer les initiatives qui fonctionnent et celles qui posent problème. Parallèlement, une campagne de recrutement d'assistants de régulation médicale (ARM) est lancée ce mois de mai.
Sur les urgences, François Braun promet un « cadre réglementaire rénové d'autorisation » bientôt opérationnel, l'objectif étant d'éviter à tout prix les « fermetures sèches » de services, sans solution alternative.
Intérim médical
Sur la permanence des soins, le ministre promet cette fois un nouveau « contrat clair » dans les territoires, à la faveur d'un partage plus équitable des efforts entre les acteurs publics et privés. « La permanence des soins ne peut et ne doit plus être assumée par un nombre insuffisant de médecins, imposant un rythme de garde incompatible avec un exercice professionnel pérenne », a martelé François Braun. Une mission Igas doit rendre ses conclusions au ministre qui fixera le nouveau cadre d’action « avant l’été ». Plusieurs propositions de loi portées par la majorité (Rist, Valletoux) doivent y contribuer. Parallèlement, l'exécutif promet de mieux rémunérer la sujétion et la pénibilité du travail de nuit dans les établissements de santé.
Par ailleurs, s'agissant des maternités, François Braun annonce une mission spécifique avec des élus et des professionnels pour étudier les pistes d'évolution autour de « la santé des femmes et des nouveau-nés » afin d'identifier les organisations innovantes qui marchent à l'échelon territorial. Des idées sont déjà identifiées : Smurs obstétricaux, nouveaux modèles de centres de périnatalité, organisation de réseaux de maternités territoriaux.
Et sur le front de l’intérim médical à l'hôpital, François Braun a réaffirmé sa volonté, non seulement d'appliquer strictement les plafonds tarifaires de la loi Rist, mais d'interdire aux médecins et aux paramédicaux de démarrer leur exercice professionnel en intérim (mesure ajoutée dans la proposition de loi Valletoux débattue en juin).
Cap sur la phase 2…
Parmi les remontées directes du terrain, le ministre assure avoir entendu les demandes récurrentes issues des CNR territoriaux. C'est le cas du déblocage de crédits pour faire davantage appel aux « médiateurs en santé », profession méconnue qui fait le lien entre les médecins et les 20 % de concitoyens éloignés « durablement » du système de santé. Les choses avancent se félicite François Braun, citant aussi les annonces faites lors de la Conférence nationale du handicap avec l’intégration des fauteuils roulants et des prothèses capillaires pour les personnes atteintes de cancer dans le dispositif « 100 % santé ».
Autre avancée : l'accès à un « guichet unique » pour s’installer, muter ou monter un projet a été plébiscité par les soignants dans les CNR locaux. Aussi, le gouvernement va lancer en mai une mission avec des élus pour identifier les conditions de succès du déploiement des guichets uniques partout en France. Et de citer Présence médicale 64 dans les Pyrénées-Atlantiques pour un accompagnement personnalisé des internes et des généralistes dans leurs projets. Autre exemple prometteur : le projet Eva Corse, programme de réadaptation cardiaque de proximité.
Mais c'est en réalité une dynamique au long cours que défend le ministre de la Santé. « Si la première phase territoriale du CNR Santé a permis de définir notre méthode et de mettre à l’agenda des sujets fondamentaux, la deuxième phase doit permettre de pérenniser et d’approfondir ces dynamiques ». Les médecins seront-ils convaincus ?
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