Invité des états généraux des « Spé » de la CSMF, le directeur général de l'Assurance-maladie, Nicolas Revel, a longuement abordé les sujets conventionnels tarifaires, d'accès aux soins et d'organisation face à une soixantaine de spécialistes libéraux.
Le patron de la CNAM n'a pas éludé la question du renoncement aux soins, dont une enquête publiée par l'association France Assos Santé montre qu'il concerne près des deux tiers des Français (63 %) – dont 45 % pour des raisons financières et 49 % en raison du manque de médecins disponibles. Si Nicolas Revel a souligné la stabilité du nombre de spécialistes libéraux en activité – 54 000 en 2000, 54 500 en 2018 – il a pointé le « phénomène de concentration urbaine des installations » et l'attrait du secteur II pour les nouveaux installés. La part de spécialistes à honoraires libres est passée de 41 % en 2010, à 47 % en 2018.
Déception sur les assistants et la télé-expertise
Sur la question de l'accès géographique aux spécialistes, Nicolas Revel est « convaincu que la réponse aux points de tension passe par une meilleure organisation des soins. Quand on y arrivera, on franchira un grand pas sur qualité des prises en charge et les conditions d'exercice des soignants. C'est un chantier clé », résumé le DG, qualifiant ce sujet de l'accès aux soins « d'obsession nationale ».
Contrairement aux idées reçues, explique Nicolas Revel, la réorganisation de la médecine de ville concerne les médecins spécialistes avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui doivent embarquer « le second recours », les équipes de soins spécialisés (ESS) et les assistants médicaux. « L'accord a été construit pour être ouvert à toutes les spécialités, insiste Nicolas Revel. Je suis convaincu de la contribution de l'assistant pour libérer du temps médical, mais pour le moment le démarrage est modéré. Ce sont beaucoup de généralistes qui y vont. Je dois dire qu'il n'y a pas autant de spécialités que je l'espérais », regrette Nicolas Revel.
La CNAM mise aussi sur les consultations avancées. « Nous avons négocié un contrat qui valorise les actes de 25 % de leur valeur normale, pour toute consultation avancée réalisée dans une zone en tension ! C'est une manière de faire avancer les pratiques », rappelle-t-il.
L'Assurance-maladie veut croire également au déploiement des téléconsultations et télé expertises pour les spécialistes. « Sur les téléconsultations, il y a un vrai démarrage : de 8 000 téléconsultations en juin, nous sommes passés à 20 000 en octobre. Et 40 % d'entre elles sont réalisés par les spécialistes ! souligne Nicolas Revel. En revanche, la télé-expertise décolle beaucoup moins vite, il y a un sujet au niveau de la facturation, je suis ouvert à la revoyure sur ce point »
Cinq ans pour réviser la nomenclature
Sur l'accès financier cette fois, le sujet de l'OPTAM (option de pratique tarifaire maîtrisée, qui compte près de 17 000 adhérents) a également été abordé. « Aujourd'hui nous n'avons quasiment plus d'adhésions supplémentaires, sauf pour les nouvelles installations, convient Nicolas Revel. C'est normal car on demande aux médecins de s'engager sur leur taux de dépassement des années 2013/2015, alors que nous sommes en 2019. Nous devons retravailler ce sujet pour rendre possible de nouvelles adhésions »
En matière de qualité et de pertinence des soins, le patron de l'Assurance-maladie estime que la situation demeure très perfectible. « Ce sont des leviers de bonne médecine beaucoup plus vertueux que la régulation tarifaire », ajoute Nicolas Revel, citant l'exemple des radiologues, engagés dans un programme pluriannuel de pertinence des actes. L'Assurance-maladie travaille avec la Haute autorité de santé (HAS) sur ce sujet de la pertinence et des référentiels de bonnes pratiques. Deux pathologies – l'insuffisance cardiaque et l'ostéoporose – sont ciblées. « Nous donnons la main aux conseils nationaux professionnels (CNP), pour diffuser et s'approprier les pratiques sur le terrain », précise Nicolas Revel.
Le chantier de révision de la nomenclature (CCAM), prévu dans la loi Sécu pour 2020, est un autre levier pour améliorer les pratiques et diffuser l'innovation. « Depuis 2004, la nomenclature a vieilli ! Il y a un sujet de destruction d'actes et de hiérarchisation, auquel on n'a jamais voulu s'atteler et qui peut susciter des craintes chez les uns et les autres. Nous allons commencer par les familles d'actes dans lesquelles il y a clairement un décalage », a temporisé Nicolas Revel. Ce grand ménage se fera d'ici à cinq ans.
Enfin, le DG de la CNAM s'est employé à rassurer sur l'évolution des modes de rémunération des spécialistes. « J'ai entendu que certains craignaient la fin du paiement à l'acte notamment avec les CPTS, il ne faut pas jouer à se faire peur. Je ne crois pas du tout à la fin du paiement à l'acte en France. Il est et restera le cœur de votre rémunération. Je pense qu'il est important de se le redire ».
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique