« J'en ai ras le bol » : 60 généralistes des Ardennes passent au C à 30 euros, la fronde tarifaire s'étend

La semaine dernière, des réunions intersyndicales communes et croisées se sont tenues dans les villes de Reims, Strasbourg et Nancy sur la question de la fronde tarifaire avec plus d’une centaine de médecins ayant répondu présent à l’appel de quatre centrales syndicales. Ce lundi, ce sont soixante généralistes des Ardennes qui ont décidé d’un commun accord, de demander à compter de ce jour 30 et non plus 25 euros à leurs patients. Avec quelle motivation ? « Simple, j’en ai ras le bol et je suis dé-goû-té. » Le Dr Yannick Pacquelet, généraliste de 39 ans qui exerce depuis neuf ans à la maison de santé de Signy-le-Petit est l’un des chefs de file du collectif.

« Cela fait des mois qu’on manifeste, qu’on va à Paris, qu’on ferme nos cabinets et on n’est toujours pas entendu. Là, la nouvelle PPL Valletoux, ça a été la goutte d’eau. Au bout d’un moment, si l’État ne veut pas se bouger… Après tout, nous, médecins, sommes les garants du soin, pas du remboursement. Aux pouvoirs publics de se débrouiller directement avec les Français quand ces derniers vont devoir payer 5 euros supplémentaires qui ne leur seront pas remboursés », explique le Dr Pacquelet, qui précise évidemment ne pas demander ces 5 euros à ses patients qui ont du mal à joindre les deux bouts.

D’autant que le praticien et ses confrères peuvent compter justement sur le soutien de leur patientèle. Nombre d'entre eux s’étonnent en effet du fait que le montant de leur consultation soit toujours aujourd’hui à 25 euros, assure Yannick Pacquelet. « Les conséquences de l’inflation, ils la vivent au quotidien, eux aussi ils comptent », ajoute-t-il.

Augmentation du loyer, soutien des élus de terrain

Le Dr Yannick Pacquelet est locataire de la maison médicale du village de quelque 1 300 habitants où il exerce. Pour ne prendre qu’un exemple, en six ans, son loyer a augmenté de façon mécanique, de 16 %. « J’ai déjà de très grosses journées, il m’est impossible de prendre encore plus de patients », poursuit-il. Un état de fait partagé par nombre de ses confrères du coin, aggravé par les départs en retraite mais aussi par un phénomène nouveau. « Maintenant, il commence à y avoir beaucoup de confrères qui déplaquent parce qu’ils n’en peuvent plus, parce que c’est la course en permanence et que les tutelles passent le temps à nous faire culpabiliser, en nous disant que c’est de notre faute s’il n’y a pas assez de médecins », développe le praticien, qui affirme être compris, en revanche, par les élus de terrain, dont le président de la communauté de communes dont il dépend.

Il faut dire que les représentants locaux ont de quoi se sentir concernés. La fronde des 60 généralistes ardennais, dispersés sur plusieurs secteurs, pourrait potentiellement, à la façon de cercles concentriques croissants, toucher un bassin de vie d’une dizaine de milliers de leurs administrés. L’organisation des soins dans les Ardennes, faute de grande ville hormis Charleville-Mézières a en effet ceci de particulier qu’elle s’appuie sur des villages centraux d’environ un millier de personnes.

L’argent, le nerf de la guerre

Pourtant, toujours selon le Dr Pacquelet, aussi remonté qu'il soit, quelques gestes simples de la part du ministère et de l’Assurance-maladie suffiraient à faire redescendre la fièvre. « Braun dit qu’il veut du donnant-donnant, mais c’est toujours à nous, médecins qu’on demande de donner en premier. Pour une fois, ce sera le contraire. D’abord on se remet à niveau, avec un C à 30 euros, et ce n’est pas une augmentation mais bien une indexation sur l’inflation, et ensuite on discutera. » Pas sûr cependant, que l'Assurance-maladie dispose du budget nécessaire pour accéder à cette exigence. Car côté médecins, même s’il est trop tôt pour savoir si cette fronde tarifaire tient plus du feu de paille que de l’amorce d’un véritable bras de fer, le mouvement fait déjà la preuve de sa volatilité.