Fraudes à l’Assurance-maladie : 300 millions d’euros de préjudices stoppés en 2022, nouveau record

Par
Publié le 09/03/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

L’Assurance-maladie a dévoilé ce jeudi un premier bilan de ses actions de lutte contre les fraudes, les activités fautives et les pratiques abusives en 2022 (en attendant un audit plus complet au printemps). La Cnam affirme avoir « détecté et stoppé » un montant de fraudes inégalé, à hauteur de 315,8 millions d’euros (+44 % comparé aux 219,3 M€ de 2021 et +10 % par rapport aux 286,8 M€ de 2019, précédent record). Très atypique, l’exercice 2020 avait, lui, été marqué par la crise du Covid avec seulement 127,7 millions d’euros de préjudices détectés.

Le nombre de « suites contentieuses » engagées est également aussi en nette progression avec 8 817 procédures en 2022 contre 7 857 l’année précédente (+12 %).

Fausses facturations de professionnels de santé en première ligne

Sur ces 315 millions de préjudices repérés et stoppés l’an dernier, « près des trois quarts portent sur des frais de santé », souligne l'Assurance-maladie et « pour l’essentiel facturés à tort par des professionnels de santé », qu'il s'agisse de consultations, d'actes ou de remboursements de médicaments. La Cnam précise que l'exercice 2022 a été marqué par des « escroqueries portant sur des délivrances de tests antigéniques » aux professionnels de santé par des pharmacies d’officine (pour 58 M€).

Lors du précédent bilan sur les fraudes (arrêté à fin juin 2022), les principaux griefs portaient déjà sur le non-respect de la réglementation ou de la nomenclature, les actes fictifs ou les fraudes à la prescription. Les deux tiers des montants des préjudices détectés étaient alors portés par les infirmières libérales, les pharmaciens, les fournisseurs de produits ou de matériel de santé et les transporteurs. En décembre dernier, l’émission d'enquête « Cash Investigation », dans un numéro spécial intitulé « Hold-up à la Sécu », avait longuement épinglé certains centres dentaires mais aussi les infirmiers, médecins et kinés, sur le « podium » des plus gros fraudeurs.

Mais les blouses blanches ne sont pas seules en cause. En 2022, la Cnam précise que des fraudes commises par des assurés ont été repérées lors des contrôles sur les prestations en espèces (IJ, pensions d’invalidité), pour un préjudice plus limité de 35,7 millions d'euros, ainsi que pour l’obtention de droits (protection maladie universelle, complémentaire santé solidaire) pour 21,1 millions d'euros.

Deux tiers de procédures pénales

La Cnam s'emploie à prévenir les récidives en poursuivant les fraudeurs. Sur les 8 817 actions contentieuses engagées en 2022, près des deux tiers sont constituées de procédures pénales* (2 944) et de pénalités financières (2 648) pour 16 millions d’euros. Le reste des sanctions concerne des avertissements, saisines auprès des Ordres et procédures conventionnelles. 

Face au fléau de la fraude et des abus, la Cnam revendique un continuum d’actions, depuis la prévention, la détection – via le recours croissant aux techniques de big data dans l’analyse des données de remboursement – jusqu'au contrôle. Sur ce dernier volet, la caisse confirme qu'elle mobilise désormais des task forces nationales sur « les fraudes à enjeux », avec une surveillance particulière des gros fraudeurs. « L’étape finale repose sur les sanctions, ce qui peut notamment passer par le déconventionnement des professionnels de santé », rappelle-t-elle.  

Accompagnement

Dans un environnement conventionnel et tarifaire complexe, les situations ne procèdent pas forcément de la malhonnêteté. C'est pourquoi l'Assurance-maladie a mis en place, depuis septembre 2021, pour les infirmières libérales nouvellement installées, des formations à la cotation. De nouveaux contrôles, 12 mois après l'installation, sont à nouveau réalisés et les sanctions peuvent alors tomber. La Cnam devait étendre à terme ce dispositif « d'accompagnement » des nouveaux installés aux autres professionnels (kinés, médecins). 

L’année 2022 a notamment été marquée par le contrôle des centres de santé ophtalmologiques et dentaires « présentant de fortes atypies », grâce aux méthodes du big data. Ces enquêtes ont conduit au déconventionnement de deux centres de santé fin janvier 2023, une procédure radicale. La Cnam leur reprochait d’avoir « établi de fausses facturations et d’avoir facturé des actes fictifs ». 

Thomas Fatôme, DG de la Cnam, a fixé comme nouvel objectif de détecter « 500 millions d'euros par an » de fraudes, et ce dès 2024. 

* Signalements au procureur – Article 40, plaintes pénales simples, plaintes pénales avec constitution de partie civile.


Source : lequotidiendumedecin.fr