LE QUOTIDIEN : Olivier Véran qualifie ce PLFSS « d'historique ». Et vous ?
DR CATHERINE DEROCHE : C'est un budget subi, sans mesures structurelles fortes et sans ambition pour rétablir les comptes sociaux. Aucune perspective de redressement ne se dessine après la crise. Ce PLFSS est "anormal" uniquement… en raison de la situation sanitaire. La progression de l'objectif de dépenses maladie est certes sans précédent : +7,6 % pour 2020 au lieu de +2,45 % prévus initialement puis +6 % en 2021, hors crédits Covid. Ce financement permet du moins au gouvernement de respecter ses engagements dans le cadre du Ségur ; les revalorisations salariales du personnel hospitalier sont à saluer. Mais la part réservée à la médecine de ville est totalement insuffisante ! Et si la création de la cinquième branche constitue une avancée, les questions de sa gouvernance et du financement restent entières.
Allez-vous soutenir la médecine de ville en réclamant la hausse de son enveloppe ?
La commission n'a pas pris de mesures directes sur le budget de la ville. En revanche, nous voulons lui donner un signal fort en avançant d'un an le report pour la conclusion d'une nouvelle convention médicale, c'est-à-dire au 31 mars 2022 au lieu du 31 mars 2023. En reportant de plus de 18 mois la convention, l'intention du gouvernement est de bloquer toute revalorisation tarifaire. Cela témoigne d'un mépris pour les médecins de ville, alors qu'ils ont participé pleinement à la réponse sanitaire.
Concernant l'hôpital, la traduction du Ségur vous satisfait-elle ?
Nous reconnaissons l'effort pour l'hôpital que nous avions toujours réclamé au Sénat. Mais, là encore, il est dommage que le projet de loi ne comporte pas de mesures structurelles sur l'attractivité des carrières, la gouvernance ou la simplification.
Le remboursement de la dette vous inquiète-t-il ?
Oui. En commission, nous avons décidé de supprimer l'article qui prévoit la reprise de la dette des établissements de 13 milliards d'euros par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). C'est pour l'essentiel le fait de plans d'investissement d'initiative gouvernementale, à visée immobilière, dont la charge doit revenir à l'État. Plus largement, il faut délester la Sécu des charges que l'État lui a confiées indûment. Nous demandons la compensation par l'État du budget de Santé publique France, passé de 150 millions d'euros et 4,8 milliards… On propose aussi d'augmenter à un milliard la contribution exceptionnelle des complémentaires à l'assurance-maladie en 2021.
Le groupe LR va-t-il déposer des amendements visant à réguler l'installation ?
Oui probablement. Mais je ne les soutiendrai pas. La coercition ne marche pas. En revanche, je serai favorable à toute proposition favorisant la venue de chefs de clinique dans les hôpitaux périphériques de telle sorte que l'enseignement puisse aussi se tenir dans ces établissements. Il faut faciliter la découverte par les étudiants des territoires en dehors des villes de faculté.
Allez-vous soutenir le forfait pour les passages aux urgences non suivis d'hospitalisation ?
La commission a adopté cette mesure avec réserves. Il y a un intérêt à forfaitiser la participation des patients pour améliorer la lisibilité et l’équité et simplifier la facturation. Mais cette évolution "technique" va-t-elle régler la question complexe des recours non justifiés aux urgences ? Non. Nous appelons à un soutien clair aux acteurs des territoires pour favoriser la prise en charge des soins non programmés en ville.
En matière de lutte contre la fraude, que proposez -vous ?
La Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations dont le déconventionnement d’office d’un professionnel de santé lorsqu’il a été sanctionné à plusieurs reprises pour fraude. Pour la Cour, c'était un moyen efficace pour arrêter les surfacturations répétées. Nous avons suivi cette recommandation en adoptant un article qui permet à l’assurance-maladie de déconventionner d'office un professionnel de santé condamné pour fraude à deux reprises dans une période de cinq ans.
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