L'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2022 démarrera demain mercredi en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Depuis lundi, plus de 1 057 amendements ont été déposés, traduisant la volonté des députés de retoucher le dernier budget du quinquennat, qualifié devant eux par le ministre de la Santé de texte de « sortie crise ». Dans la ligne de mire des parlementaires se trouve la question de l'accès aux soins des Français. En effet, le très controversé article 40 prévoit d'autoriser l'accès direct aux orthoptistes pour des bilans visuels simples et la prescription des lunettes et lentilles de contact. Une dizaine d'amendements venant des élus de tous bords politiques (LR, socialistes, communistes, Modem…) exige sa suppression.
Accès direct aux soins visuels…
Pour le groupe Les Républicains (LR), mené par l'inoxydable député du Loiret, Jean-Pierre Door, cet article propose « un véritable transfert de soins médicaux avec prise en charge en autonomie des patients par les orthoptistes ». Or ces « auxiliaires de santé de niveau licence (après seulement trois années d’étude), qui auraient ainsi droit de prescription (lunettes, lentilles de contact) sans passage et contrôle par l’ophtalmologiste (...), n’ont pas la formation nécessaire pour assurer un examen médical complet ou une adaptation de lentilles de contact » estiment ces députés.Pis, « sachant que 10 à 15 % des consultations de renouvellement de lunettes aboutissent au dépistage d’une pathologie, cette mesure revient à empêcher le dépistage de ces pathologies, les orthoptistes n’étant pas formés pour les déceler », motive également Thibault Bazin, député LR de Meurthe-et-Moselle.
Du côté du groupe des Socialistes apparentés et celui du Parti communiste, qui défendent d'habitude les délégations de tâches, la suppression de l'article est également visée. Motif invoqué : cette mesure « réaffecte simplement des activités et des tâches entre ces professionnels » et « ne répond aux inégalités d’accès aux soins visuels ».
Anticipant le rejet de leur demande par le gouvernement, plusieurs amendements de repli ont aussi été déposés. Ainsi, l'un des rapporteurs du budget, le député du Rhône (Mouvement démocrate) Cyrille Isaac-Sibille, propose que ces nouvelles compétences ne soient ouvertes que « pour les orthoptistes installés dans une zone sous-dotée déterminée par l'ARS. » Quatre députés de la majorité (LREM) suggèrent également d'ouvrir la primo prescription aux orthoptistes « qu’à partir du moment où le patient a réalisé un bilan chez un ophtalmologiste il y a moins de 3 ans ».
Interrogé ce mardi lors d'une webconférence organisée par l'agence de conseils en affaires publiques Nile, le député LREM de la Charente, Thomas Mesnier, rapporteur général du PLFSS dit soutenir cet accès direct aux orthoptistes. Pour autant, « il ne doit pas y avoir de renouvellement de prescription au-delà de cinq ans » sans passage par l'ophtalmologiste, a-t-il ajouté. L'élu devrait présenter un amendement pour encadrer cette pratique lors du débat en commission.
... mais aussi aux kinés et aux orthophonistes !
L'accès facilité à la filière visuelle n'est pas la seule préoccupation des députés. Les élus d'Union des démocrates, radicaux et libéraux (centre droit), dont le Modem Philippe Vigier proposent, quant à eux, d'expérimenter l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans des structures coordonnées. Cette idée a d'ailleurs été reprise dans un autre amendement soutenu par plusieurs élus du groupe de la majorité présidentielle dont la rhumatologue, Stéphanie Rist (députée LREM du Loiret). Ces élus centristes plaident aussi en faveur d'un accès direct aux orthophonistes afin « de fluidifier le parcours de patients, de libérer du temps médical pour les médecins généralistes chargés de les orienter mais également de permettre des économies à la Sécurité sociale ».
Réglementer l'installation
Comme les années précédentes, plusieurs groupes de députés ont profité de ce dernier budget pour recycler d'anciennes revendications concernant les dépassements d'honoraires ou encore l'installation des médecins libéraux. Ainsi, un amendement des députés PS défend un encadrement des dépassements d’honoraires à 50 % maximum du tarif opposable, « tout en étudiant l’opportunité d’une revalorisation tarifaire des prestations techniques et cliniques pour une plus juste rémunération des actes des professionnels de santé ».
Dans un autre amendement, ils veulent « contraindre les médecins
pendant les 5 années qui suivent leur diplôme à exercer au moins un jour par semaine dans les zones sous-denses ». Autre solution avancée par des députés : la création d'un « conventionnement territorial » sélectif, limitant les installations de nouveaux praticiens libéraux dans les zones surdotées en matière d'offre de soins (définies par l'ARS avec les syndicats), sur le principe d'un départ pour une arrivée. À l'approche de la campagne présidentielle, cette nouvelle offensive pour réguler l'installation a-t-elle des chances d'aboutir ? Elle, en tout cas, été rejetée systématiquement, quelles que soient les majorités, depuis quinze ans.
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