Le gouvernement a dévoilé les grands axes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, adopté en conseil des ministres ce lundi. La construction de ce budget s'est opérée dans un contexte où le déficit de la Sécu se réduirait nettement en 2023, à 6,8 milliards d'euros contre 17,8 milliards attendus cette année, selon l'avant-projet de loi que « Le Quotidien » s'est procuré. L'amélioration profitera essentiellement à la branche maladie, dont le déficit devrait fondre d'environ 20 milliards en 2022 à 6,5 milliards en 2023.
Ondam 2023 : + 3,7 % (hors crise sanitaire), l'hôpital mieux loti
L'objectif national des dépenses de santé (Ondam) augmentera de 3,7 %, si l'on exclut les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Il s'agit, selon l'exécutif, d'une « forte progression » qui correspond à 8,6 milliards d'euros supplémentaires de dépenses courantes par rapport à 2022.
Comme l'an passé, l'analyse des sous-objectifs illustre la volonté du gouvernement de préserver l'hôpital – avec une croissance de 4,1 % de son enveloppe (soit 4 milliards d'euros). Ces nouveaux moyens permettront de financer la poursuite des revalorisations issues du Ségur et des assises de la santé mentale ou la hausse du point d'indice dans la fonction publique dans les hôpitaux privés non lucratifs.
Par contraste, les soins de ville affichent une moindre progression (+ 2,9 %, soit 2,9 milliards d'euros supplémentaires). Le gouvernement assure que cette enveloppe permettra de financer la montée en charge des conventions des infirmiers libéraux ainsi que des pharmaciens, la poursuite des engagements tarifaires de l'avenant 9 mais aussi de financer les prochaines conventions des médecins et des kinés.
Du côté des établissements et services de personnes âgées, le budget va progresser de 5,1 % (+ 0,7 mds) et de 5,2 % ( + 0,7 mds) pour les établissements des personnes handicapées.
1,1 milliard d’euros d’économies sur le médicament
Un « effort d’efficience » de 1,1 milliard d’euros est réclamé en 2023 sur les produits de santé, dont 900 millions d’euros sur des baisses de prix. « C’est raisonnable », fait valoir Bercy, qui rappelle que le marché du médicament est en forte croissance, de l’ordre de +6 % par an. Le ministère de la Santé tient à souligner que « les engagements au titre du Conseil stratégique des industries de santé (Csis) seront préservés ». Emmanuel Macron avait en effet fixé pour objectif de porter la croissance moyenne des dépenses liées aux produits de santé à +2,4 % par an jusqu’en 2024. Un objectif qui sera respecté dans le PLFSS, assure le ministère.
Biologie et radiologie payent la facture
« Nous allons appeler à la responsabilité le secteur de la biologie médicale et de la radiologie », confie l'entourage de François Braun. Dans le détail, 250 millions d’euros de baisses de tarifs seront exigés à la biologie médicale « dans l’hypothèse d’une absence d’accord entre l’Assurance-maladie et les biologistes ». Le gouvernement note ainsi que, malgré les protocoles triennaux conclus avec les biologistes, « la concentration du secteur et le développement de l’activité ont permis à la biologie médicale d’augmenter sa rentabilité de façon très importante », à hauteur de 23 % en 2020, contre 6,7 % pour les cliniques privées.
Premier poste de dépense des actes médicaux – à hauteur de 4,8 milliards d'euros de remboursements en 2021 – l’imagerie médicale devra afficher plus de transparence. Le PLFSS cible les forfaits techniques d’imagerie – 1,5 milliard d’euros en 2021 – qui rémunèrent les frais d’amortissement et de fonctionnement des machines. Le projet de loi introduit une mesure pour « mieux connaître la réalité des charges liées à l’exploitation de ces équipements d’imagerie et donc de mieux les tarifer ».
Déconventionnement d'urgence des fraudeurs
Pour Bercy, « c'est un PLFSS de fermeté vis-à-vis de la lutte contre la fraude ». Le gouvernement souhaite mieux sanctionner la fraude des offreurs de soins et prestataires de services, en étendant la possibilité de déconventionnement d’urgence d’un professionnel de santé à « à l’ensemble des catégories d’offreurs de soins et prestataires de services en cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels ou de préjudice financier important ». Aussi, des possibilités de cyber-enquête pourraient être ouvertes au contrôleur des caisses de Sécurité sociale.
Les arrêts de travail délivrés en téléconsultation encadrés
Afin de mieux réguler les arrêts de travail prescrits lors d’une téléconsultation, le projet de loi propose de ne permettre leur indemnisation que s’ils ont été délivrés par le médecin traitant « ou par un médecin que le patient a déjà consulté dans les 12 mois ». Une mesure « d'éthique et de confiance », indique le cabinet de François Braun, alors que « 80 % des arrêts de travail prescrits en téléconsultation le sont pour des patients qui ont un médecin traitant ». « La téléconsultation représente 1 % des indemnités journalières des arrêts qui sont prescrits », précise le ministère des Comptes publics. Saluant cette proposition, l’Union française pour une médecine libre (UFML) y voit « un magistral coup de pied donné aux plateformes commerciales de téléconsultation et aux "cabines à fric" ».
Prévention : trois bilans, davantage de délégations…
Comme le ministre de la Santé l'avait annoncé, ce PLFSS concrétise l'une des promesses d'Emmanuel Macron en faveur de la prévention. Le texte prévoit la mise en place de bilans de santé complets et pris en charge à 100% par l'Assurance-maladie à 25, 45 et 65 ans. « Ces rendez-vous, a précisé le ministère de la santé, permettent de lutter contre l'apparition de risques ou de pathologies à ces trois périodes clés de la vie ». Vaccination, dépistage des cancers, santé sexuelle, habitudes de vie : « l’enjeu est d’aller chercher les personnes les plus éloignées du système de santé », ajoute le ministère. Lors de l'Université d'été de la CSMF ce week-end, Thomas Fatôme a reconnu « qu'un travail va s'engager avec le ministre pour définir qui fait quoi, et comment. L'acteur de ces bilans de prévention sera sans doute le médecin traitant, mais pas tout seul ».
Autres avancées : la prise en charge à 100 %, pour les moins de 26 ans, du dépistage sans ordonnance dans les laboratoires de biologie médicale des infections sexuellement transmissibles autres que le VIH. Une liste de ces infections sera fixée par arrêté. Le texte étend la gratuité de la contraception d'urgence, réservé jusqu'à présent aux moins de 26 ans, à toutes les femmes sans condition de prescription médicale.
Dans la même veine, pour améliorer la couverture vaccinale, le PLFSS prévoit d'élargir le nombre de professionnels de santé habilités à prescrire et d'administrer des vaccins. Ainsi, les pharmaciens et les infirmiers disposeront de nouvelles compétences de prescription vaccinale. Quant aux sages-femmes, leur champ de compétence vaccinale ne sera plus limité aux femmes, aux enfants et à l'entourage des femmes enceintes. Ces extensions se feront sur la base de recos de la Haute autorité de santé (HAS).
Enfin, le prix du tabac « va augmenter comme l'inflation », annonce le cabinet de François Braun.
Faciliter le recrutement de médecins libéraux régulateurs
Mises en place cet été dans le cadre de la « mission flash », les 40 mesures pour les urgences sont en cours d'évaluation par l'Igas. En attendant, le gouvernement s'engage à travers ce PLFSS à « pérenniser les mesures prises pour faciliter le recrutement des médecins libéraux régulateurs ». Il s'agit de reconnaître le statut de collaborateur occasionnel du service public pour les médecins régulateurs généralistes en journée.
En revanche, le texte ne dit pas si la majoration de 15 euros pour toute prise en charge effectuée, dans les 48 heures, par les médecins effecteurs, à la demande de la régulation médicale du SAMU ou du SAS pour un patient hors patientèle médecin traitant sera également pérennisée, comme le réclament des syndicats de médecins libéraux et semble l'envisager le ministre de la Santé.
Contrats d'aides à l'installation simplifiés, guichet unique
A travers ce PLFSS, le gouvernement prévoit un « choc de simplification » des contrats d'aide proposés à la fois par l’Assurance-maladie et l’État pour inciter les médecins libéraux à s’installer ou à maintenir leur activité dans les zones les plus fragiles. Pour cela, l’ensemble des dispositifs portés par l’État (en particulier le contrat de début d’exercice) va être renvoyé au champ conventionnel, sauf pour les étudiants et les remplaçants.
Parallèlement, le texte encourage le déploiement des guichets uniques destinés à répondre aux jeunes avant toute installation. Ces évolutions seront portées dans le cadre des « comités territoriaux » réunissant l'État et les élus.
Internat : une quatrième année qui jette le trouble
Annoncée ce week-end, la mesure a provoqué l’ire des carabins. Le PLFSS propose d’allonger d’une année le troisième cycle du diplôme (DES) de médecine générale, une quatrième année exclusivement en ambulatoire et principalement dans les secteurs fragiles. « Nous essayerons en priorité d’avoir ces exercices en zone sous-dense mais il ne s’agit pas d’une obligation », veut rassurer lundi le ministère de la Santé. Le tout en augmentant le nombre de maîtres de stages (MSU). Pour sécuriser la mise en place de cette réforme, une mission a été confiée à quatre médecins, « dans le but d’organiser la concertation nécessaire à l’identification des conditions de succès », indique le ministère. La réforme devrait s’appliquer aux carabins qui démarrent leur internat à la rentrée 2023. Mais les juniors ont manifesté leur vive inquiétude.
Hôpital : l’intérim dans le viseur
Entre 2013 et 2018, le coût de l’intérim à l’hôpital public est passé de 500 millions à 1,4 milliard d'euros. Selon une étude de Bercy publiée fin 2021, le taux de recours au travail temporaire pour le personnel médical serait de près de 20 %, incluant l’intérim médical strict et les contrats de gré à gré de courte durée. Une pratique « coûteuse, qui déstabilise les équipes », indique le ministère de la Santé, qui souhaite mieux encadrer la pratique. Ainsi, le PLFSS prévoit que les jeunes en sortie d’études ne pourront plus être embauchés en intérim. Enfin, « pour éviter le mercenariat », selon le cabinet de François Braun, la loi Rist votée en avril 2021 et qui encadre la rémunération de l’intérim, devrait enfin être appliquée, mais après concertation « dans le cadre de la déclinaison territoriale du Conseil national de la refondation ».
Recrutement de 3 000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad
Afin de renforcer les effectifs des Ehpad, première étape d'un plan qui vise à 50 000 recrutements supplémentaires d'ici 2027, le PLFSS prévoit de financer 3 000 postes d'infirmiers et aides-soignants, à hauteur de 170 millions pour 2023, auxquels s'ajouteront 4 000 places additionnelles dans les services d'aide à domicile.
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