« On s’est battu pendant quatre ans et demi ! C’était compliqué parce que ce modèle de maison de santé pluriprofessionnelle n'existe pas dans cette dimension », témoigne avec fierté le Dr David Zeitoun. Avec deux confrères formés à l'AP-HP, le radiologue est l'un des fondateurs de la plus grande MSP de France, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Cap Horn Santé, le nom de la société, a ouvert ses portes en novembre grâce à la détermination de ces praticiens. Ancien chef de clinique à Lariboisière (AP-HP), le Dr Zeitoun explique la genèse du projet. « Nous voulions créer une structure hybride qui offrait les avantages de l'hôpital et du libéral » pour le suivi pluridisciplinaire des patients, raconte le spécialiste. « Nous avons voulu regrouper dans un seul endroit l’ensemble des spécialités médicales et un plateau technique complet » pour tous les examens, renchérit le Dr Baptiste Gérard, généraliste et urgentiste, autre porteur de projet, qui avait l'idée, à l'époque, de créer une unité de soins non programmés à Montreuil.
3 500 m2 sur quatre étages
Située au cœur d'un quartier mixte frappé par la désertification médicale, dans un ancien immeuble de bureaux vides rénovés, la MSP s'étend sur 3 500 m2 répartis en services de soins sur quatre étages. Aucun lit d’hospitalisation n'est proposé dans cette méga-structure qui se positionne à mi-chemin entre la ville et l'hôpital.
Ouverte en novembre, la MSP accueillera à terme 50 médecins – une trentaine y exerce déjà – dont cinq généralistes, cinq urgentistes, trois pédiatres, quatre gynécologues, une urologue, deux ophtalmos ou encore deux cardiologues. Des consultations sont ouvertes en neurologie et dermatologie mais aussi en chirurgie esthétique. Originalité, des hospitaliers assurent des vacations pour des consultations – deux orthopédistes, un chirurgien viscéral, un oncologue… Un laboratoire d’analyses, un service d’imagerie, une pharmacie et un pôle paramédical complètent l'offre. Sans compter une quinzaine d’assistants médicaux qui épaulent les praticiens. Selon le Dr Zeitoun, plusieurs spécialités « montantes » manquent encore – rhumatologie, gastro-entérologie, endocrino et ORL.
La paperasse, une « montagne »
Les éventuelles difficultés de recrutement ne font pas peur aux fondateurs. « Le regroupement accompagné d'un plateau technique, d'une pluridisciplinarité et de bonnes conditions de travail séduisent les jeunes médecins », soutient le Dr Zeitoun. C'est le cas de la Dr Sabrina Khiari, 36 ans. Thésée depuis 2016, la généraliste n'a fait qu'enchaîner des remplacements. « J'avais très peur de l'installation en libéral car je me faisais une montagne des tâches administratives, d'embaucher une femme de ménage, une secrétaire et de m'occuper des factures », confie-t-elle. Le projet de Cap Horn Santé l'a incitée à sauter le pas. « Dans les cabinets où j'avais remplacé, il n'y avait pas beaucoup de communication entre médecins, là on va facilement échanger. Le dermato fait une formation sur la prévention VIH, il transmet les informations aux généralistes, de même pour le pédiatre sur l'allaitement par exemple ».
Pour sa première installation en libéral, sa consœur, la Dr Aurélie Fontes, 32 ans, ancienne PH à l'hôpital d'Argenteuil, salue un confort de travail grâce au plateau technique, aux tâches administratives déléguées et au système d'information partagé. « Il n'y a pas un seul jour où je n'envoie pas un patient pour faire une écho, une radio, une prise de sang, explique la pédiatre. Quand il y a des situations compliquées, on débriefe. C'est rassurant ».
Protocoles
Un médecin coordonnateur gère les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) et crée des protocoles de coopération à l'issue de ces rencontres où médecins et paramédicaux discutent sur des cas de patients. « C'est essentiel pour obtenir l'aide prévue dans l'accord conventionnel interprofessionnel de la MSP », explique le Dr Patrick Vidal, généraliste et lui aussi fondateur de Cap Horn Santé.
Pour ce projet, l'investissement (bâtiment, rénovation, équipement) s'est élevé à 18 millions d'euros, sous forme d'emprunt bancaire. « Ensuite, chaque médecin finance son organisation. La mutualisation des dépenses se fait pour les parties communes, internet… », détaille le Dr Zeitoun. L'ARS et la Région ont apporté des subventions à hauteur de 500 000 euros.
Dès l'ouverture, l'activité a affiché une croissance soutenue, avec des créneaux remplis sur Doctolib. « Nous avons atteint 700 patients par jour en un mois et l'objectif est de 1 500 par jour », lance le spécialiste. Tous les généralistes sont en secteur I tandis que la grande majorité des spécialités exercent en secteur II Optam, avec dépassements encadrés. « Nous n'avons rien inventé, ce modèle libéral ambitieux avec plateau technique sur place existe aux États-Unis », se réjouit le Dr Vidal qui ne compte pas s'arrêter là. Un projet similaire s’apprête à voir le jour, à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) au printemps 2023.
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