Un Français sur 3,5 passe désormais par les urgences hospitalières chaque année contre seulement un sur 8 au début des années 1990. Cette inflation de demandes est rappelée par Jean-Yves Grall en introduction du rapport qu’il vient de rendre à Marisol Touraine. Une recrudescence qu’il juge excessive, quand on sait que dans le même temps la proportion d’hospitalisations après admissions est passée de 30% à 20% seulement…
Pour expliquer cela, l’ex Directeur Général de la Santé (photo) aujourd’hui patron de l’ARS Nord-pas-de-Calais et bientôt à la tête de l’Agence Régionale de la Santé Nord-Picardie estime d’abord que les services d’urgences sont « en partie victimes de leur succès » : la médicalisation, la séniorisation et la modernisation de leurs locaux accrues opérées ces dernières années en faisant finalement des recours pratiques et assez accessibles pour la population. Le rapport estime parallèlement que les problèmes démographiques de la médecine générale ont amplifié le phénomène, au point qu’on trouve selon lui aux urgences « une majorité de situations intriquées, variées, dont le rapport avec l’urgence est le plus souvent très ténu. »
« Ce n’est pas tant la prise en charge des vraies urgences qui pose problème et provoque l’affluence dans les services d’urgence, que les demandes de soins non programmées, » diagnostique en effet le Dr Grall. En bonne logique, son rapport regarde donc d’abord du côté de la ville pour désengorger l’accueil des hôpitaux. « Les spécialistes de premier recours sont aussi des acteurs importants dont il ne faut pas ignorer l’existence. Leur intervention sur le non programmé est aussi facteur de qualité et d’efficience, » note-il. Et de plaider pour étendre la participation des médecins généralistes à la régulation médicale, y compris sur des plages diurnes : « il serait, explique-t-il, souhaitable de proposer une participation plus large des généralistes au sein de plateformes de régulation médicale et notamment en journée. » La prescription du Dr Grall suggère aussi la création d’une lettre clé spécifique pour les actes non programmés au cabinet : « Avant de généraliser une telle mesure, il est nécessaire de mettre en place une expérimentation avec évaluation sur un an », conseille-t-il néanmoins, prudent. Enfin, il penche pour l’élargissement des périmètres d’ouverture des maisons médicales de garde en journées les jours ouvrables : « la majeure partie des recours aux services d’urgence se situant en journée, cette disposition permettrait à l’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO) d’orienter vers un médecin généraliste et en amont du service d’urgences. »
Voilà pour la théorie. Entre les lignes, Jean-Yves Grall ne cache pas une certaine inquiétude sur la possibilité de mobiliser davantage des ressources de soins primaires qu’en bon Directeur d’ARS, il sait largement surbookées. Aussi propose-t-il parallèlement une réorganisation territoriale des urgences basée sur une contractualisation de tous les acteurs avec l’ARS dans le périmètre des futurs GHT (groupements hospitaliers de territoire) voulus par la loi santé. Dans ce cadre, un seul « réseau territorial de l’accès aux soins non programmés » serait mis en place, ainsi qu’une équipe unique de médecins urgentistes sous l’autorité d’un chef de pôle. L’ensemble serait décliné en plusieurs niveaux de structure : service d’urgence a priori localisé dans l’établissement siège du GHT, antennes d’urgence et jusqu’aux « centres de soins non programmés ». Ces derniers, centrés sur la petite traumatologie qui représente actuellement 40% des passages aux urgences pourraient concerner certains petits services d’urgence, mais aussi des établissements de santé publics ou privés et certaines maisons de santé pluriprofessionnelles labellisées.
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