Depuis une semaine, l'annulation du choix de stage des internes de médecine générale d’Ile-de-France pour leur semestre de novembre n’en finit plus de faire polémique. Après la colère de certains chefs de pédiatrie qui déploraient une pénurie d'internes mettant en danger le bon fonctionnement de leurs services, le directeur général de l’ARS a annoncé lundi soir la relance de la procédure de choix pour un vice de forme.
Sauf nouveau coup de théâtre, 462 internes devront donc à nouveau faire leur choix lundi 28 et mardi 29 octobre parmi une liste remaniée pour une prise de fonction une semaine plus tard.
Colère des étudiants, des enseignants, de la ministre, des hospitaliers… l’affaire continue de rebondir. Didier Jaffre, directeur de l’offre de soins à l’ARS Ile-de-France, revient pour Le Généraliste sur cet imbroglio, présente les décisions prises pour réparer cette erreur et les enseignements à tirer pour améliorer les affectations futures.
[[asset:image:13019 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation ?
Didier Jaffre : La procédure des choix de stage d’internat est assez complexe. Chaque semestre, le directeur général de l’ARS fixe la liste des postes offerts au choix des internes sur proposition de la commission de subdivision. Cette dernière, présidée par le directeur général de l’ARS, est composée des représentants des doyens, des coordonnateurs des spécialités concernées, des représentants des établissements hospitaliers publics et privés. De nombreuses réunions de préparation ont lieu.
Pour le prochain semestre, la coordination de médecine générale, qui ne dispose pas d'un outil de suivi adéquat des internes permettant de savoir quels semestres ils ont déjà réalisés, a fait des calculs théoriques par rapport au nombre d’internes total. Calcul qui s’est avéré faux. L'erreur est partagée car tout le monde a validé ce calcul. Comme personne n’avait la donnée de base, il était difficile de voir qui se trompait ou pas. La deuxième erreur dans la répartition proposée a été un nombre de postes supplémentaires alloué dans tous les services, y compris ceux de Paris intra-muros. Forcément, avec davantage de postes partout, les internes ont choisi en priorité ceux basés à Paris.
Pourquoi avoir décidé d'annuler le choix des postes ?
D.J. Lundi, en publiant la liste définitive des choix, nous nous sommes aperçus qu’il y avait une erreur. Une interne de médecine générale a été appelée à venir choisir un poste alors qu’elle avait déjà validé ses six semestres. Inscrite dans un autre diplôme, elle a cru qu’elle pouvait venir choisir. Elle a pris un poste qui pouvait être sélectionné par les autres internes. Cette erreur-là non plus n’a pas été détectée par le logiciel national Imhotep. À partir du moment où il y a une irrégularité dans les choix, la loi s’applique et le directeur général n’a pas eu d’autres solutions que de relancer la procédure.
En relançant la procédure, vous avez aussi proposé une nouvelle répartition des postes d'internat, que va-t-elle changer ?
D.J. Nous avons réuni mardi soir la commission de répartition pour ne pas refaire la même erreur sur l’inadéquation des postes offerts. Nous sommes partis des 462 internes qui avaient choisi la première fois et nous avons appliqué un taux d’inadéquation de 30 postes supplémentaires. Ce sont donc 492 postes qui seront proposés au choix lundi et mardi contre plus de 600 la première fois. Nous avons également révisé la répartition entre pédiatrie, gynécologie, médecine adulte polyvalente et médecine d’urgence. 20 postes supplémentaires ont été mis en pédiatrie et retirés de médecine adulte et gynécologie. Au total, 180 internes en pédiatrie devraient être pourvus. L’année dernière, sur le même semestre d’hiver nous en avions 179 (NDLR : 159 avaient choisi pédiatrie dans la répartition initiale). Nous avons également réparti différemment ces postes en pédiatrie, certains ont été enlevés sur Paris et la petite couronne pour les mettre sur la grande couronne et la Seine-Saint-Denis.
Que va-t-il se passer pour les internes qui devront changer d'affectation par rapport à leur choix initial ?
D.J. La nouvelle liste a été publiée hier soir. Lundi et mardi prochain, ils devront faire leur nouveau choix. Comme beaucoup sont en vacances, ils pourront le faire par téléphone ou par procuration... Une soixantaine d’internes au minimum devront changer de stages. Nous avons d’ores et déjà écrit aux internes qui voyaient leur poste supprimé et transformé en pédiatrie. L’agence est parfaitement consciente que cela peut créer d’énormes problèmes à certains internes. Nous sommes en lien 24 heures sur 24 avec le syndicat régional des internes de médecine générale. Nous avons d’emblée indiqué que tout interne qui verrait sa spécialité ou son lieu d’affectation changer bénéficierait d’une prime de 400 euros brut mensuel pendant les six mois de stage. Nous nous assurons auprès des établissements qu’elle sera bien payée dès le mois de novembre. Tous ceux qui par exemple avaient déjà trouvé un logement auront aussi un suivi individualisé pour qu’aucun ne se retrouve en difficulté.
Comment faire pour qu’une telle situation ne se reproduise pas ?
Dès que nous aurons passé cette phase de réaffectation des internes, nous réunirons à nouveau la commission de répartition car il est hors de question que cela se reproduise. L’ARS prendra toute sa part dans cette affaire mais il faut remettre de l’ordre dans le fonctionnement. Il n’est pas possible qu’il n’y ait pas de suivi individualisé des étudiants et que les choix soient déterminés à l’aveugle. Le fait que la procédure ait fonctionné les semestres précédents tient presque du hasard.
Cette affaire ne révèle-t-elle pas aussi la place trop importante des internes dans le système de soins avec des services qui ne peuvent pas fonctionner sans eux ?
Ce n’est pas que les services ne peuvent pas fonctionner sans internes. Certains établissements ont des difficultés de recrutement de praticiens seniors, c’est certain. Par ailleurs, effectivement, l’interne en formation contribue à épauler l’ensemble des équipes dans le fonctionnement des services. Mais pour pouvoir se former, il faut pouvoir prendre en charge des malades. Ici, la précédente répartition présentait deux écueils. Des services devaient accueillir trop d’internes et des chefs de service nous ont dit qu’ils ne pourraient pas les encadrer et leur permettre de prendre en charge des malades. À l’inverse, certains autres se retrouvaient sans interne mais avec des malades. Nous ne pouvons pas dire que les services ne fonctionnent qu’avec les internes car cela signifierait que nous devrions les fermer. Un service qui ne tourne qu’avec des internes est un service qui n’est plus aux normes.
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