La santé est un des sujets prioritaires pour les Français. « Pourtant nous constatons une inertie politique à faire de la santé une des priorités de la campagne présidentielle », remarque le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins.
Comme d’autres organisations, l’Ordre a donc décidé de peser dans le débat en dégainant à son tour des propositions. Il présentait ce jeudi son programme « Soigner demain » qui est le fruit de la restitution de la grande concertation menée auprès des médecins depuis septembre dernier et de tables rondes avec les institutions. La consultation menée auprès de 16 800 médecins a notamment appelé unanimement à une transformation du système de santé.
Créer une mission territoriale publique
Les sept axes et la cinquantaine de propositions présentés par l’Ordre sont donc issus des orientations données par les médecins.
En premier lieu, l’Ordre des médecins suggère de repenser la démocratie sanitaire en s’appuyant sur tous les acteurs du territoire, patients y compris, et surtout en lui donnant un pouvoir décisionnaire. « Les acteurs locaux ne veulent plus seulement être consultés, il faut passer à une démocratie sanitaire de décisions », explique le Dr Bouet.
La deuxième idée de l’Ordre des médecins est de créer une mission territoriale publique (MTP) afin de répondre aux objectifs populationnels de santé. « Ce n’est pas un service public mais une prise en charge collective de tous les acteurs du territoire », détaille le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Cnom. « Ce n’est pas quelque chose qui est de l’ordre du volontariat, tous les acteurs qu’ils soient du privé ou du public partagent les responsabilités populationnelles et territoriales », complète le Dr Bouet.
Cela veut dire qu’il va falloir créer et reconnaître cette MTP, la rémunérer sous forme de forfait mais aussi faciliter les collaborations entre acteurs publics et privés. Dans cet axe, l’Ordre incite également à faire passer le samedi matin dans la permanence des soins ambulatoires.
Partager davantage les compétences
Plutôt que de « fragmenter les compétences pour les redistribuer, nous affirmons qu’il faut les partager », insiste également le Dr Bouet. Pour le médecin généraliste, cela passe notamment par l’autorisation de prescription et dispensation des médicaments à prescription restreinte, des dispositifs médicaux dans les suites de traumatismes et pathologies ostéo-articulaires courants ou la mise à disposition de l’ensemble des TROD. Ils doivent aussi pouvoir dispenser les médicaments dans le cadre de la PDSA ou commander, stocker et délivrer les vaccins obligatoires de l’enfant et adultes du calendrier vaccinal.
Pour l’Ordre des médecins, la place du médecin en tant que coordinateur du parcours de santé doit aussi être optimisée et valorisée. Cela signifie une généralisation des réunions de coordination pluriprofessionnelle et leur rémunération et davantage de forfaits pour certains parcours identifiés de patients, chronique ou en ALD par exemple.
Dans les résultats de la concertation, les médecins jugeaient également insuffisant la place laissée à la prévention. L’Ordre estime donc que la politique de santé publique doit se tourner vers le développement d’une prévention universelle. Cela se traduit notamment par la sensibilisation de tous aux risques environnementaux ou la création d’une orientation prioritaire du DPC spécifique à la prévention. Cette dernière doit aussi trouver sa place dans la formation initiale des médecins. L’Ordre propose en outre de permettre à tous médecins un exercice partagé dans le cadre de la médecine scolaire et de la médecine de santé au travail. Il demande également des dispositions législatives adaptées pour protéger les médecins qui repèrent et dépistent les violences et discriminations.
Des carrières plus évolutives
Côté formation, l’Ordre appelle à professionnaliser les études de médecine. Il propose donc notamment de rendre effective la phase de consolidation des DES, y compris pour la médecine générale. Cela signifie le passage à un internat en quatre ans.
« Elle doit se faire dans le cadre d’une professionnalisation des étudiants. Et c’est comme cela que nous verrons l’arrivée dans les territoires de jeunes médecins qui vont y construire un projet professionnel », estime le Dr Bouet. Car selon lui, la contrainte à l’installation « affaiblira la densité libérale ». « Il faut cesser de croire que l’on peut décréter l’obligation d’installation, alors que le principe de départ est la liberté de choix du secteur d’activité. Pour que ce soit efficace, il faudrait décréter que les 2 500 premiers vont dans le libéral, les suivants dans le public ou inversement ».
Au-delà des études, l’Ordre formule également des recommandations pour la carrière des médecins et notamment permettre des évolutions plus faciles qu’aujourd’hui. Cela passe, entre autres, par un lissage des droits sociaux entre les différents modes d’exercice pour favoriser l’exercice mixte.
Dans la consultation, les médecins ont exprimé le besoin de regagner du temps médical. Pour cela, l’Ordre suggère par exemple de simplifier le dispositif des assistants médicaux pour le développer ou encore de supprimer les demandes de certificats médicaux non réglementaires. Au cours de leur carrière, la valorisation des acquis d’expérience passera par la certification périodique et les forfaits de DPC doivent aussi être augmentés.
Pour aider les médecins en zone déficitaire à se former ou à prendre des congés, l’Ordre propose également de faire bénéficier d’avantages sociaux (exonération de charges sociales par exemple) leurs remplaçants.
Côté sécurité, les médecins doivent pouvoir bénéficier de la mise en place d’une application et d’une ligne dédiée avec les forces de l’ordre.
Enfin le développement du numérique en santé doit se faire au bénéfice du patient. Pour cela l’Ordre suggère de mettre des moyens : humains pour aider les usagers de santé dans l’accès aux moyens numériques et matériels et de formation pour que les professionnels s’approprient Mon espace santé.
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