Primo-prescription : guerre des lobbys entre IPA et médecins dans l’attente de la décision du Conseil d’État

Par
Publié le 25/07/2024
Article réservé aux abonnés

Depuis plusieurs semaines, le syndicat des infirmiers en pratique avancée pousse en faveur de la parution de deux textes réglementaires leur ouvrant la voie, dans certains cas, à la primo-prescription. Ce dossier hautement inflammable est désormais entre les mains du Conseil d’État, sans préjuger du délai de sa réponse.

Crédit photo : MOURAD ALLILI/SIPA

Depuis plusieurs semaines maintenant, deux corps professionnels, infirmiers en pratique avancée (IPA) et médecins libéraux s’affrontent en sous-main à fleurets plus ou moins mouchetés. En cause, une disposition de la loi du 19 mai 2023 « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », portée par la députée Stéphanie Rist (Renaissance) ouvrant l'accès direct des assurés – sans passer par la case médecin – aux IPA, aux masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, avec des modalités certes différentes. Mais surtout la possibilité pour les IPA d’effectuer des primoprescriptions pour certains produits de santé et prestations, « comme les antalgiques, les bons de transports et les arrêts de travail », dont la liste sera fixée par décret, rappelle Jordan Jolys, vice-président de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée. Une situation qui avait ému l’Académie de médecine en début d’année.

Chacun fourbit ses armes

Justement, mi-juin, le texte réglementaire « relatif à la loi Rist a été validé par le Haut conseil des professions paramédicales [HCPP] (…). L’Unipa a reçu l’assurance du ministère de la Santé de sa volonté de publication du décret et de l’arrêté dans les prochains jours », affirmait l’organisation syndicale. Coup de pression que n’a guère goûté l’Ordre des médecins. Dans son édito signé dans le dernier Bulletin de l’Ordre national des médecins de Juillet-Août, son président, le Dr François Arnault, a tenu à recadrer les choses. « La rédaction des décrets et arrêtés d’application semble ne pas respecter cet esprit de la loi et tente d’attribuer aux autres professions des compétences non prévues par les textes législatifs », écrit-il dans une première salve. Avant d’enfoncer le clou. « Ces décrets ne peuvent figurer dans les affaires courantes d’un gouvernement qui a présenté sa démission au président de la République ». Et d’avertir : « L’Ordre utilisera tous les recours légaux pour obtenir la modification de ces décrets et arrêtés ». Pas en reste, les membres de l’Unipa prévenaient dans la foulée, par voie de communiqué, qu’eux aussi utiliseront « tous les recours légaux pour garantir l’application de ces décrets ». Et de réclamer à l’Ordre « d’abandonner [s]es positions corporatistes d’un autre temps ».

Une décision avant la rentrée ?

Mais que contiennent donc ces deux textes pour exacerber de telles tensions ? Contacté par Le Quotidien, l’Unipa indique que les syndicats se sont engagés auprès du ministère de la Santé à ne pas les communiquer. Deux choses sont cependant certaines. Le HCPP a mis, mercredi 24 juillet, la dernière main à la rédaction de l’arrêté manquant, indique Jordan Jolys. À charge désormais pour la plus haute juridiction administrative de se prononcer, « tel qu’il l’était prévu dans la loi Rist », rappelle le vice-président de l’Unipa. Avec une inconnue de taille pour les différents protagonistes. Celle du calendrier. « Chacun a des contacts auprès des tutelles mais avec le Conseil d’État, personne n’a véritablement de visibilité sur l’agenda. Sa décision peut intervenir rapidement, comme tardivement », reconnaît-on à l’Unipa. L’incertitude semble bien être, ici, l’unique point commun entre les infirmiers en pratique avancée et les médecins.


Source : lequotidiendumedecin.fr